Jean Raspail


(1925-2020)
Écrivain et explorateur


Au sortir de la guerre, quatre garçons d'une vingtaine d'années partirent sous la bannière scoute, suivant leur chef, Jean Raspail, sur les traces du Père Marquette : des milliers de kilomètres en canoë, une aventure absolue sur les rivières et lacs de l'Amérique du Nord. Quelques années plus tard, c'est au retour d'une seconde expédition de l'équipe Marquette – la traversée en Renault des deux Amériques – que, du pont d'un cargo, dans les brumes de l'extrême Patagonie, il aperçut dans un pauvre canot trois silhouettes quasi nues, derniers descendants de ceux qui se nommaient eux-mêmes « les Hommes » et que d'autres appelèrent Alakaloufs.
De ces deux moments, Jean Raspail, à 25 ans, fit son univers – davantage même, son credo : observer et ressentir, et comprendre que l'important est ailleurs, toujours ailleurs. C'est pour cela que, sachant être à la fois dehors et dedans, il fut à travers son œuvre le témoin remarquable de son siècle, siècle qu'il n'a pas aimé parce qu'il l'avait trop compris, et qu'il a combattu de toute la force de sa plume. Combat dont il paya le prix.
Aussi, un jour, parce qu'il fallait en sortir, ayant achevé l'écriture de l'un de ses romans les plus emblématiques, Le Jeu du Roi, Jean Raspail se proclama consul général de Patagonie, emmenant avec lui des centaines puis des milliers d'autres, qui eux aussi avaient besoin d'un « Ailleurs », dans un royaume imaginaire dont ils étaient les sujets : ainsi vinrent à la vraie vie les Patagons, fifidèles et loyaux, et libres de « jouer le jeu » comme ils l'entendaient, sûrs d'avoir enfifin posé leurs valises... et leurs âmes dans un pays où le panache et l'honneur sans tache valaient droit d'entrée.
Ainsi, entre aventures de l'esprit et du corps – car il ne cessa jamais de voyager, sur terre mais surtout sur les mers qu'il a tant aimées, il fut écrivain de Marine –, Jean Raspail créa une œuvre d'une originalité pure. Près de quarante livres dont dix-sept romans, différents mais tellement « raspaillins », jusqu'au dernier, La Miséricorde, qui donne l'ultime clé, plus inattendue mais tellement logique, celle de l'espoir d'une indicible rédemption.