Henri Parisot


Leonora CARRINGTON.
62 lettres autographes signées et 1 lettre dactylographiée signée à Henri Parisot. 113 pp. in-4 et in-8. Quelques en-têtes. Mexico (quelques unes des Bahamas et d’Angleterre), circa 1945-1977 [la plupart non datées, certaines datées entre 1970 et 1976]. Orthographe approximative. Longue et formidable correspondance littéraire et amicale, sur une trentaine d’années, en particulier au sujet de la publication de ses œuvres dans la collection L’Âge d’or, dirigée par Henri Parisot chez Flammarion [Le Cornet acoustique, La Porte de Pierre, La Débutante...].
Extraits. « Il y a plus de 2 semaines que je vous ai envoyé 2 manuscrits en anglais, Down Below et Open Stone Door. En plus [Benjamin] Péret a reçue de Mabille une lettre disant que Michette a déjà envoyée la copie en Français de Down Below. Apart ceci vous savez que ça n’est pas nécessaire de demander mon autorisation pour publié de moi des choses car vous savez très bien que vous publié tout ce que vous voudrez je n’est pas des contrats nul part. Autre chose publié White Rabbits car je n’ai rien de nouveau maintenant, aussitôt que j’écris quelque chose j’envoie en toute vitesse. J’ai donné à Benjamin votre commission il vous écrit [...] » [Benjamin Péret vécut au Mexique et fréquenta Leonora Carrington de 1941 à 1948]. Elle donne des nouvelles de Wolfgang Paalen et Alice Rahon. « Je leur ai beaucoup parlé de vous et ils sont parmi les seuls êtres vivants qui ont rester intacts sur ce continent parmi nous, qui continuent à chercher le merveilleux plutôt que les millionnaires américaines. Paalen a une revue qui s’appelle « DIN » [DYN] je demande qu’il vous envoie. Le connaissez-vous ? On m’a dit que Breton et sa femme rentrent à Paris le printemps, Péret aussi s’agite vaguement pour rentrer dans ce direction – je suppose alors que le drapeau du Pontif s’agitera encore sur la tour centrale des 2 magots. Embrassez Leonor [Fini] pour moi. Quelle est son adresse ? [...]. J’étais contente de savoir que vous avez corrigé le texte écrit par Michette. En réalité j’avais une copie en français ici d’elle et je trouvée la style tellement constipée et pincée que j’avais vraiment honte de vous l’envoyer. C’était corrigé, je crois, par Benjamin mais cela reste encore très gênant comme style. Nous avons aussi reçus les Quatre Vents dont je vous félicite chaudement c’est la première revue qui ma fait quelque joie depuis longtemps. Merveilleux l’œil sans paupière et Les Amis ailés (Fealhered Friends) qui était une de mes contes préférées depuis que j’étais petite fille [...] »
« Ici en Mexique je me sens étranglée et je sais que si on s’occupe pas le climat des êtres vous empoisonne. Donc je tâche de faire des peintures mais au fond je pense me dirigée vers la broderie des personnages farcie (sorte de poupées). L’embrassage du gatisme comme dernière effort. Pendant la réalisation absolue que la peste des humains (une peste de l’Ame unique aux hommes) les oblige de tuer la planète à coup de connerie j’ai fabriquée dix neuf plum puddings tellement lourds que trois centimètres quarés est sufisant de rendre malade une personne avec un faim moyen [...]. Je médite tristement sur l’état de mon intestin. J’ai une vision de merde. Je pense : ça c’est pas Notre Dame de Paris, c’est pas mon Père, c’est pas Grand Mère, c’est La Merde – fragment de vérité. Je recule répugnée (dans l’espace animique). La vision de merde persiste maintenant visiblement plein de parasites intestinales. Je regarde, alors, la merde avec calme. Scientifique (?) je me sens illuminée. N’importe quel corps peut se manifester. Je suis invisible, au fond. Je dois pas être si affligée d’être aussi une chose [...] »


Henri Parisot : L’apologiste de l’âge d’or et du merveilleux

Henri Parisot fait partie de ces rares personnes qui consacrent l’entièreté de leur vie à leurs passions lesquels furent dans son cas la littérature et la poésie. Il fut un passeur qui fifit connaître et propagea les œuvres des écrivains et poètes d’avant-garde de son temps qu’il admirait, un ami de la plupart de ceux qui comptent dans la littérature française du XXème siècle, Artaud, Bataille, Breton, Char, Cocteau, Éluard, Gracq, Michaux, Péret, Prévert, Queneau, un grand traducteur, connu pour ses traductions de Lewis Carroll, mais qui traduisit aussi Kafka, Samuel Taylor Coleridge, Edgar Allan Poe, Edward Lear, John Keats, Nathaniel Hawthorne, un éditeur et directeur de collections, enfifin un amateur passionné de la littérature anglaise et du romantisme allemand et plus généralement du merveilleux, du fantastique et de l’absurde.
Né à Paris, le 23 avril 1908, dans une famille originaire d’Alsace et de Lorraine, Henri Parisot s’initie à la littérature au cours de ses années d’étude au Lycée Condorcet.
Après la faculté de droit, il entre en 1931 comme inspecteur au service contentieux de la compagnie française des automobiles de place.
Cette activité lui donne l’occasion de rencontrer Max Jacob, victime d’un accident de taxi.
Elle lui permet également de consacrer ses après-midis à des visites aux libraires notamment José Corti : c’est là en 1933 qu’il y rencontre René Char avec qui il se lie d’amitié et qui le présente à André Breton et aux autres surréalistes...
Il fréquente aussi assidument à cette époque la boutique du libraire imprimeur Guy Levis Mano.
Le peintre et dessinateur Mario Prassinos, avec qui il est ami, lui fait lire des textes de sa jeune sœur Gisèle, âgée de 14 ans. Henri Parisot est aussitôt enthousiasmé par le caractère profondément surréaliste de ces textes et leur inventivité et les donne à lire à André Breton qui pense au début que c’est Henri Parisot qui les a écrits.
Pour lever le doute et la présenter aux autres surréalistes Henri Parisot invite Gisèle Prassinos à lire ses nouvelles devant Breton, Char, Éluard et Péret. Cette séance de lecture sera immortalisée par la célèbre photo de Man Ray qui accompagne la publication par GLM en 1935 sous le titre La Sauterelle Arthritique desdites nouvelles de Gisèle Prassinos. Henri Parisot deviendra par la suite le plus ardent fournisseur de textes de la jeune poétesse auprès de nombreuses revues ou éditeurs : Cahiers du Sud, Minotaure, Cahiers des poètes, Cahiers GLM.
En janvier 1936 Henri Parisot fait la connaissance d’Henri Michaux ; il fait publier par Guy Levis Mano Peintures, premier ouvrage montrant le travail de peintre de Michaux, Parisot et Michaux s’engageant à acheter une partie du tirage.
En 1937 sera publié chez GLM sa première traduction de Kafka La Tour De Babel avec un dessin de Max Ernst, qui deviendra son ami.
A partir de 1938 il fifinance sa propre collection Un Divertissement dans laquelle seront publiés des textes de Chirico, Savinio, Arp, Péret, Carrington, Scutenaire et Gisèle Prassinos.
Sa collection Biens nouveaux entre au catalogue GLM puis Les Romantiques allemands au Mercure de France.
En 1944 il rencontre Jean Cocteau. Ensemble ils rassemblent pour les éditions Marguerat à Lausanne, les œuvres complètes de Cocteau.
En octobre 1945, alors qu’il vient de prendre la direction de la librairie de la Pléiade à la demande de Gallimard (direction qu’il occupera 4 ans durant) il demande à Antonin Artaud l’autorisation de publier quelques-unes des lettres qu’Artaud lui a adressées pour la mise au point du Voyage au Pays des Tarahumaras ; ces lettres paraissent en avril 1946 sous le titre de Lettres de Rodez chez GLM. Afifin d’aider fifinancièrement Artaud, Parisot a obtenu de Guy Levis Mano non seulement une rémunération importante pour Artaud mais de plus le tirage d’un exemplaire unique sur Japon accompagné du manuscrit original destiné à être vendu le plus cher possible.
Viendront ensuite de fameuses revues : Les Quatre Vents (1945-47) qu’il dirigera, K, Revue de la poésie (1948-1949), et de nombreuses collections telles que L’envers du Miroir (Éditions Robert Marin 1948-1951), L’imagination poétique (Arcanes 1952-1953), L’Envers (L’Herne 1971-72).
La plus prestigieuse de ces collections s’intitule l’Age d’Or. Cette collection qui suivra son créateur d’éditeur en éditeur, portera successivement la marque des Éditions Fontaine de Max Pol Fouchet (1945-1947), Robert Marin (1948-1949), Éditions Premières (1950 -1951) et Flammarion (1964-1975) - dont il était conseiller littéraire depuis1953- et se déclinera en quatre séries qui offrent une succession unique de classiques : Hawthorne, Hoffman, Brentano, Schwitters, Michaux ou André Frédérique.
C’est Lewis Carroll qui y occupe la place la plus importante et Henri Parisot lui consacrera une part capitale de son travail, reprenant et peaufifinant jusqu’à ses derniers jours ses traductions notamment d’Alice au pays des merveilles et de l’Autre côté du miroir.
Claude Parisot