Marino Marini et le sexe de l’ange…

Publié par la Gazette Drouot

Ce plâtre nous éclaire sur la genèse d’un mythe, celui de l’Ange de la ville de Marino Marini, connu dans le monde entier par l’exemplaire provoquant placé à l’entrée de la fondation Guggenheim à Venise, sur le Grand Canal.

Marino Marini n’a jamais été touché par les statues équestres qui abondent dans les villes italiennes, comme le Colleone de Verrochio à Venise ou le Gattamellata de Donatello à Padoue, trop monumentales et héroïques à ses yeux.
En revanche, il raconte qu’il avait été frappé en 1934, dans le chœur de la cathédrale de Bamberg, par la statue d’un jeune chevalier. « À Bamberg, ce cavalier m’a fait grande impression. Sans doute parce qu’il est le fruit d’un monde fabuleux, très loin, dans un pays perdu », Marini fut saisi par le caractère irréel de ce personnage juvénile et radieux, dans lequel la tradition voyait le portrait de l’empereur Henri II, canonisé et inhumé dans l’édifice. Sa couronne n’a pourtant rien d’impériale… S’agirait-il plutôt de son beau-frère Étienne Ier de Hongrie, saint également fort vénéré à Bamberg, ou tout simplement d’une représentation allégorique d’un « saint homme », voire du Christ de l’Apocalypse ?
L’apparente innocence de ce chevalier désarmé et sans symbole de pouvoir permet en tout cas toutes les interprétations. Les premiers cavaliers de Marini nagent encore dans l’innocence. Le petit bronze de 1936, Le Gentilhomme à cheval, et Le Pèlerin de 1937 sont de charmantes poupées. Ils semblent hésiter, chercher, prendre leur temps, être à l’orée d’une aventure qui les attire autant qu’ils la redoutent, tandis que leurs gentils poulains patientent. Mais ceux des années suivantes semblent réfléchir, hésiter : ils se contorsionnent sur eux-mêmes ou regardent vers le ciel. L’incertitude des poses est encore plus évidente dans les dessins contemporains, où les formes se fondent et s’entremêlent. Le torse et la tête du cavalier semblent l’aboutissement du corps du cheval, allusion au centaure sans que jamais son image n’apparaisse. Et puis soudain, sur un dessin de 1948, c’est la tension, la crise. Le cavalier s’est redressé, les bras en croix, le regard aussi extasié que pétrifié, la tête tendue vers l’avant, le cheval semble abasourdi. C’est L’Ange de la ville, le moment pivot d’une aventure qui s’annonce.