3,1 millions d’euros : le triomphe des Russes blancs aux enchères

Publié par Passéisme

Le 21 novembre, les archives inédites de l’un des plus brillants officiers de la marine tsariste, l’amiral Koltchak, ont été dispersées aux enchères.

Itinéraire du Chef suprême
Élu gouverneur suprême de la Russie par les forces anti-bolchéviques durant la guerre civile, l’amiral Alexandre Vassilievitch Koltchak (1874-1920) eut un parcours impressionnant.
Enseigne de vaisseau à l’âge de 19 ans, décoré de l’ordre impérial et militaire de Saint-Georges par Nicolas II (dont l’acte de nomination, estimé entre 4 000 et 7 000 euros, sera adjugé 211 200 euros), il devient membre de l’état-major de la marine à 31 ans, quelques mois avant d’accéder au grade de contre-amiral, puis de devenir le plus jeune vice-amiral de Russie.
Il s’illustre également par son courage lors de l’expédition scientifique d’Eduard von Toll dans la Nouvelle-Sibérie. À son retour, il apprend que quatre de ses compagnons sont bloqués par la glace. Koltchak décide de retourner sur ses pas, guidé par des chasseurs de morse, pour tenter de les sauver. Il ne retrouve que leur journal et leur collection scientifique, qu’il s’empressera de publier à l’Académie des sciences de Saint-Pétersbourg.
 

Blessé et emprisonné à Nagasaki lors de la guerre russo-japonaise (1904-1905), il sera marqué par l’incompétence de l’état-major lors de sa libération. Souhaitant ce qu’il y a de mieux pour la marine russe (il n’hésite d’ailleurs pas à informer son épouse d’avantages tactiques tels que ceux offerts par le brouillard aux destroyers), il encourage le développement d’une flotte de sous-marins et d’hydravions.
Fin 1917, après la prise du pouvoir par les bolcheviks, il se rend en Asie pour obtenir le soutien des Britanniques et c’est sous la protection d’un bataillon britannique qu’il se proclame dirigeant suprême de l’État russe. Il va s’efforcer d’imposer un commandement unique aux armées blanches à travers l’empire. En 1919, leurs forces sont affaiblies par les intrigues internes et la corruption des officiers, des légionnaires tchécoslovaques et des révolutionnaires.

Le 12 novembre 1919, il évacue son gouvernement en emportant, dans un train gardé par des légionnaires tchèques, l’or du Trésor public. Les légionnaires, qui n’ont pas manqué de piller le convoi, échangeront l’amiral contre des wagons de charbon.
L’amiral sera alors emprisonné et jugé à Irkoutsk avant d’être assassiné le 7 février, sur ordre personnel de Lénine.

Le dernier triomphe des Russes blancs1
C’est suite au décès du petit-fils de l’amiral que ces archives, conservées en France par sa descendance depuis un siècle, ont été dispersées par l’intermédiaire des experts Ivan et Alisa Anastasia Birr, par la maison Tessier & Sarrou. 
Les 403 lots mis en vente comprenaient de nombreux manuscrits et documents inédits, inconnus des historiens, mais également des photographies, des boutons d’officiers ou encore de l’argenterie.
 

Une pluie d’enchères a couvert ces archives, parmi lesquelles nous pouvons citer quelques résultats remarquables :

Lot 1 – L’acte de Nicolas II de nomination de la croix de Saint-Georges.
Estimé 4 000 – 7 000 €, adjugé 211 200 €.

Lot 23 – Un document tapuscrit du commandant de la marine à Petrograd le 12 avril 1917.
Estimé 600 – 700 €, adjugé 128 000 €.

Lot 99 – Une lettre à son épouse daté du 20 octobre 1919 dans laquelle l’amiral dépeint le cour des actions militaires et sa confiance dans la victoire prochaine des Blancs.
Estimé 5 000 – 6 000 €, adjugé 120 320 €.

Lot 101 – Une lettre manuscrit adressée à un général dans laquelle le général y décrit le projet d’entre-aide des forces alliées.
Estimé 1 000 – 2 000 €, adjugé 97 280 €.

Lot 231 – Une photographie dédicacée de l’amiral, datée du 18 janvier 1909.
Estimé 700 – 900 €, adjugé 28 160 €.

Avec un résultat global de 3,12 millions d’euros, cette vente révèle l’engouement croissant pour le nationalisme russe et confirme les décisions récentes de certaines maisons de vente à inaugurer des départements consacrés aux souvenirs historiques de l’empire russe.





note
1  Les noms de Russes blancs désignent la partie de la population russe refusant la prise de pouvoir des bolcheviks.