3 QUESTIONS À JEAN-CHRISTOPHE CHARBONNIER

Publié par la Gazette Drouot

INTERVIEW : 

Galeriste rue de Verneuil se consacrant à l’art samouraï depuis vingt-cinq ans, ce spécialiste mondialement reconnu a fourni de nombreux musées, dont le Louvre Abu Dhabi. Il est aussi commissaire invité de l’exposition « Daimyo, seigneurs de la guerre » au musée Guimet et conseiller scientifique de celle se déroulant au Palais de Tokyo.


Pourquoi cette fascination pour les armures japonaises ?
Dès l’adolescence, elles ont été pour moi des choses extraordinaires qui me faisaient voyager, dont je ne voyais que la beauté alors qu’elles avaient été réalisées pour faire la guerre... J’en oubliais leur destination pour ne m’intéresser qu’à l’objet lui-même. Mon champ se limite aux armures, ce qui n’a rien à voir avec les sabres, ni même avec les montures de sabre. Chez mes parents, j’ai toujours vu beaucoup d’objets. Comme je n’aime pas les armes, je me suis naturellement tourné vers les armures, qui vous protègent, vous permettent de conserver la vie, non de l’ôter.
Elles permettent aussi de vous transformer, de devenir quelqu’un d’autre.
 



Comment se partage le marché des tsuba ?
Il existe en France de très belles collections d’armures, d’une part, mais aussi de tsuba.
On en trouve aussi à Londres et aux États-Unis, où le niveau de connaissance est fabuleux, en Russie, en Belgique... Leur particularité est d’être spécialisées dans des champs précis, car la production a été énorme. Il existe peu de très grandes collections. Le marché domine toutefois au Japon, concernant les sabres et leurs montures. En Allemagne, il existe un ou deux collectionneurs très sérieux. Mais un fonds réussi peut ne contenir qu’une seule pièce ! Deux marchés cohabitent : celui des collectionneurs prêts à acheter des tsuba à plusieurs centaines de milliers d’euros et celui des amateurs, plus nombreux bien sûr. Il peut y avoir un chef-d’œuvre dans chacun de ces ensembles, y compris dans celui du 9 février ! Mais nous avons affaire à des collectionneurs relativement âgés, même au Japon. On note toutefois que le goût des Anglo-Saxons va davantage aux tsuba incrustés, ornementaux, et celui des Français ou des Belges, aux gardes en fer à décor ajouré, plus sobres. Depuis une dizaine d’années, on voit apparaître des collectionneurs chinois de tsuba. Une fois mises de côté les inimitiés, ils s’aperçoivent, y compris parmi la jeune génération, que l’art japonais est d’un immense raffinement.


Existe-t-il de fausses gardes de sabre ?
Oui, bien sûr, chinoises la plupart du temps.
Mais, comme ce sont des objets très compliqués, les faux sont assez grossiers. Et ceux qui se font punir le méritent ! Il existe aussi de fausses signatures apocryphes au Japon, mais qui ont été apposées pas forcément pour tromper, plutôt comme signe de respect pour celui à qui le tsuba était destiné.

Signé Toshimitsu, époque Meiji (1868-1912).
Hakkaku gata en suaka et sentoku,
décoré en taka zogan de shibuichi et cuivre doré d’un couple de hérons parmi les roseaux
H. 10,5 cm.