LA BANDE DESSINÉE, AU SOMMET DE SON ART

Publié par A nous Paris


L’invention du « 9ème art » 

L’éditeur du Petit Nicolas et d’Iznogoud (IMAV), Aymar du Chatenet, rappelle ce que répétait son beau-père René Goscinny, le scénariste mythique d’Astérix et de Lucky Luke, l’un des inventeurs de la BD moderne, et la seule star de la discipline à posséder une rue à Paris, décorée de fresques, dans le 13e arrondissement : « C’est une anomalie que ce genre, la bande dessinée, n’ait pas été reconnu plus tôt. »  
L’expression « 9ème art », née sous la plume du critique Claude Beylie, en mars 1964, dans la revue Lettres et Médecins, sera donc restée longtemps lettre morte, même si Morris, le génial créateur de Lucky Luke, s’en servit, créant une rubrique intitulée « 9ème art – Musée de la bande dessinée », « née avant le cinématographe des Frères Lumière ». « Mais aujourd’hui, on peut considérer que l’histoire en images a ses lettres de noblesse, et qu’on peut la prendre tout aussi au sérieux que la littérature et la musique. » Il y analysait de manière savante les œuvres des grandes figures de la BD, mais aucun de ses efforts – parce que ses textes paraissaient dans Spirou – ne parvinrent à sortir le genre de son impasse (Morris lui-même paradoxalement se considérait comme un simple artisan).

Il aura donc fallu que les œuvres – on peut s’en féliciter ou le regretter mais c’est ainsi – trouvent une cotation sur le marché, resté seul critère d’évaluation de la dimension artistique. Des marchands l’ont compris à la fin des années 1980, comme Roland Buret, ancien journaliste, qui travail pour la société de ventes Tessier et Sarrou. « Quand j’ai commencé à m’y intéresser il y a trente ans, raconte-t-il, nous passions pour des farfelus. Je proposais des planches, certains commissaires-priseurs me disaient « Vous savez, les enfants n’ont pas le droit d’acheter à Drouot ! » C’était une autre génération. Pour eux, la bande dessinée était réservée aux derniers de la classe. 

Maintenant, elle est étudiée à l’université. Il a fallu que l’œil et l’oreille s’habituent.  En décembre 1990, il organisa une vente de dessins de Tintin, à l’espace Kronenbourg. 1200 amateurs se bousculèrent au lieu des 200 prévus, et les planches – Le Sceptre d’Ottokar, des crayonnés de Tintin au Tibet - s’écoulèrent entre 200 et 300.000 euros. Des études comme Boisgirard, et Artcurial flairèrent la tendance et organisèrent à leur tour des ventes, et les originaux, jalousement conservés par les collectionneurs ou les proches commencèrent à circuler.