L’autre facette de Pierre Soulages


Publié par la Gazette Drouot

S’il est un peintre dont la cote ne faiblit pas depuis une dizaine d’années auprès d’un public international, c’est bien Pierre Soulages. Plus abordables que ses toiles, ses œuvres au brou de noix constituent un marqueur important dans son travail.

Si cette Composition bénéficie d’une estimation raisonnable, c’est notamment en raison de son format réduit. Elle provient d’une collection particulière parisienne dans laquelle elle est conservée depuis une vingtaine d’années. Là n’est pas son seul atout bien sûr. À l’issue de l’année 1946, marquée par les premières expériences picturales abstraites, la période 1947-1949 apparaît décisive dans l’œuvre de Pierre Soulages qui, parallèlement à ses peintures, initie la série des brous de noix, soit une cinquantaine de tableaux. L’artiste expérimente ce médium dont la couleur varie du brun au noir, et qui le séduit par sa texture très fluide.
« J’étais tourmenté par la peinture traditionnelle avec ses techniques et ses petits pinceaux luxueux réservés aux artistes peintres. Chez un marchand de couleurs, j’ai acheté des brosses de peintre en bâtiment, en soie ordinaire, très larges, conçues tout autrement. Comme un peintre en bâtiment je souhaitais travailler avec une masse de peinture déjà prête », se souvient-il.
Appliqué en larges coups de brosse qui s’entrecroisent et contrastent avec la blancheur du papier, le brou de noix lui permet une gestuelle ample qui rappelle celle des calligraphes orientaux, mais surtout lui offre le prétexte d’un dialogue entre le noir et le blanc, et la lumière créée par ce contraste. « J’aimais sa puissance de couleur chaude et sombre et j’aimais que ce soit une matière banale et bon marché », précisait cet immense artiste disparu il y a deux ans, et qui évoquait sa vision, en arrivant à Paris après la guerre, des verrières de la gare de Lyon, « dont les cassures étaient grossièrement réparées au goudron par un pinceau ouvrier ». Le brou de noix occupe ici l’espace, impose une verticalité monumentale. Plus que le motif, c’est l’interaction du papier clair laissé en réserve avec la matière foncée qui l’intéresse. Non le noir, mais le surgissement de la lumière...


Pierre Soulages (1919-2022)
Composition, 1948
Brou de noix sur papier
50,2 x 32,4 cm
Estimation : 100 000 / 150 000 €

VENDREDI 18 OCTOBRE, SALLE 1 HÔTEL DROUOT.
TESSIER & SARROU ET ASSOCIÉS