Sous une bonne étoile


Publié par la Gazette Drouot

Cet astrolabe tisse son fil d’or sur les routes de l’Europe de la Renaissance et étoffe le corpus très restreint des instruments de Michael Piquer. Les vents devraient être propices.

Une araignée, une mère, un limbe, des tympans, un trône... mais de quoi s’agit-il donc ?
Du vocabulaire retenu par les scientifiques pour définir l’astrolabe, cet instrument de calcul inventé par l’astronome grec Hipparque au IIe siècle av. J.-C., afin d’établir la relation entre la position des étoiles et le temps. Perfectionné par les Arabes qui, pour leur culte, avaient besoin de connaître avec précision les heures du lever et du coucher du Soleil, il a ensuite gagné les  contrées européennes où il a continué à prospérer à la faveur des grandes découvertes. Revenons à notre araignée singulière et si belle ! Projection simplifiée du ciel, elle porte les positions des principales étoiles – 26 ici, chacune est accompagnée de son nom, de sa grandeur et de son symbole planétaire – et tient son appellation de la toile que tissent les célèbres arthropodes pour un rendu des plus esthétiques. Les vents sont gravés sur le bord extérieur du limbe, VutturnusBoreasCircius et autres envoyant un souffle porteur. On comprend que l’instrument fascine et que d’objet utile, il ait pris valeur de pièce de collection.
C’est d’ailleurs l’histoire qui est arrivée à cet astrolabe découvert au hasard d’une visite chez un antiquaire à Avallon par un comte curieux et cultivé, avant 1906, puisqu’à cette date, après avoir été cédé à la famille de l’actuel propriétaire, il est présenté à une réunion de la Société astronomique de France. Le dynamique astronome Camille Flammarion (1842-1925) en est alors le président. L’objet est décrit comme « européen » mais les avancées dans l’étude des astrolabes permettent aujourd’hui d’aller plus loin et de l’attribuer au cénobite Michael Piquer. Six sont connus comme étant de sa main dont quatre dans des  institutions publiques, leurs caractéristiques – taille, épaisseur de l’araignée, étoiles données par des index en petites flammes, gravures similaires des lettres, disposition semblable des tympans – s’en approchant. Toutes informations qui, sans pouvoir certifier qu’il a vraiment été exécuté par le moine catalan, invitent à penser que pour le moins, il l’a été sous sa supervision. Si là aussi, on sait peu de choses sur cet érudit, l’étude de ses instruments permet de le suivre, non sur la piste des étoiles mais sur les routes de l’Europe. Sans doute pour perfectionner sa technique, cet esprit éclairé séjourne à Paris où il améliore la qualité de ses fontes, puis aux Pays-Bas espagnols où, auprès du fameux Gérard Mercator, il adopte l’élégante écriture italique et comprend l’importance décorative du trône. Cet instrument a donc de multiples atouts dans sa main, et il est prêt à abattre sa carte, celle du ciel !


VENDREDI 10 FÉVRIER, SALLE 4 – HÔTEL DROUOT.
TESSIER SARROU & ASSOCIÉS OVV. M. TURNER.