une question de souvenirs


Publié par la Gazette Drouot

Les épées d’académicien ne manquaient pas de tranchant, au milieu de tableaux et autres objets constituant une malle bien remplie.

L’après-midi s’ouvrait sur les souvenirs d’académicien d’André Damien (1930-2019), un avocat, élu, homme politique et écrivain français dont une partie de la longue carrière était évoquée page 40 de la Gazette n° 4 (voir l'article Les souvenirs d'un académicien). En récompense de ses nombreux talents et actions, il est élu à l’Académie des sciences morales et politiques en 1994, avant d’en devenir président en 2006. C’est le sculpteur et médailleur Raymond Corbin  (1907-2002), ayant lui-même un fauteuil à l’Académie des beaux-arts, qui est sollicité pour réaliser son épée. Il y glisse de nombreux symboles résumant le parcours du récipiendaire, dont la façade du palais Bourbon, une allégorie de la République, un livre ouvert… La pièce à monture d’argent et de vermeil ciselé est fort belle et ne manque pas d’allure, ce qui lui valait de terminer sa course à 5 120 €. L’habit lui étant assorti, comprenant bicorne, veste à basques, gilet et pantalon noir, recevait quant à lui 19 200 €, et la plaque de grand-croix de l’ordre de la Légion d’honneur, 4 096 €. Place ensuite à un ensemble d’épées d’académicien. S’il s’agit, on le sait, d’éléments indissociables du rituel codifié de l’Institut pour accueillir chacun de ses membres, elles sont devenues rares comme thème de collection !
Celle de François-Antoine Boissy d’Anglas survolait ses semblables à 136 960 €.
Le comte, homme de lettres et politicien ardéchois – il aura traversé tous les régimes de Louis XVI à Charles X –, y était élu le 3 août 1804. Celle du sculpteur Lucien Brasseur (1878-1960), réalisée en acier par Raymond Subes (1891-1970) et d’allure moderniste, partait plus raisonnablement à 12 160 €. Parmi les documents historiques détaillés ensuite apparaissait un souvenir de la captivité de l’Empereur à Sainte-Hélène. Son exemplaire personnel de la Relation anonyme des campagnes de Napoléon Iercontre les coalitions des puissances européennes de 1805 à 1815 – une réunion de textes allemands et français et de cartes et plans gravés et aquarellés publiés à Weimar entre 1807 et 1816 – retenait 20 480 €. Changeons maintenant d’Empire et passons au second ! L’Attaque de fantassins dans une église, guerre de 1870 (142 x 96 cm) fixée sur toile par l’un des plus célèbres peintres militaires de la fin du XIXe, Alphonse de Neuville (1835-1885), était décrochée à 26 880 € et l’album de 257 photographies ayant appartenu au général Mallard, chef adjoint du protocole lors des voyages du président de la République Armand Fallières (1905-1913), était préempté par les Archives nationales à 1 024 €.


Adjugé 136 960 €
Épée d'académicien de Monsieur François-Antoine BOISSY D'ANGLAS.
Superbe monture en argent ciselé en fort relief.
Poinçon 1er coq.
Fusée à plaquettes de nacre surmontée sur le devant de « Isis Pharia ».
Garde à une branche ornée de feuillages et d'un mufle de lion.
Clavier finement ciselé d'attributs à la romaine. Jolie lame triangulaire gravée, dorée et bleuie au tiers. Fourreau en cuir noir. Chape en argent découpé, enrichie de feuillages, gravée au dos « Épée de FrançoisAntoine Boissy d'Anglas élu à l'Institut le 3 août 1804 ».
Bouton de chape ovale perlé. Bouterolle gravée de feuilles d'eau.
Longueur : 99,5 cm.
T.B.E.

François-Antoine BOISSY D'ANGLAS (Ardèche, 1756 - Paris, 1826), homme de lettres et homme politique français.
Fils d'un médecin protestant de l'Ardèche, Boissy d'Anglas étudia le droit et s'installa à Paris où il fut avocat au Parlement. Il acheta l'office de maître d'hôtel de Monsieur, comte de Provence, le futur Louis XVIII. Il se fit connaître par sa critique de l'absolutisme et son combat en faveur des protestants.
Élu député du tiers état aux États généraux de 1789. Il vota pour l'appel au peuple, le bannissement de Louis XVI et le sursis (20 janvier 1793) puis en avril pour la mise en accusation de Marat.
Élu membre du Comité de salut public le 25 frimaire an III, il fut chargé du ravitaillement de Paris. Promoteur du décret du 3 ventôse, instituant la séparation des Églises et de l'État et la liberté des cultes.
Élu en septembre 1795 au Conseil des Cinq-Cents.
En 1801 il fut nommé au Tribunat, puis au Sénat conservateur en1804 et il retrouva son siège à l'Institut. Napoléon le fit comte d'Empire le 26 avril 1808. Il fut nommé Pair de France 1815. Il fut vice-président de la Société biblique et membre de 1803 à 1826 du Consistoire de l'Église réformée de France.