LA NATURE FAIT SI BIEN LES CHOSES


Publié par la Gazette Drouot

DES CABINETS DE CURIOSITÉS DES TEMPS ANCIENS À CEUX D’AUJOURD’HUI, DES SPÉCIMENS DES DIFFÉRENTS RÈGNES PARMI LES PLUS EXOTIQUES EXPOSENT LEUR BIZARRERIE SANS AUCUNE MODESTIE, ENCHÈRES À L’APPUI.

La nature reprend ses droits et l’on ne peut que s’en réjouir ! En embuscade, elle n’attendait qu’un retour de flamme pour s’épanouir à nouveau. Les amateurs sont nombreux et multiples à collectionner ses merveilles, que l’on croirait pour certaines sculptées par Brancusi ou dessinées par un artiste surréaliste. L’affaire n’est pas nouvelle, elle est fascinante tant elle parle de légendes et de mythes... où finalement l’on découvre comment une simple dent de mammifère peut écrire un petit morceau de l’histoire de l’humanité ! Les pièces ci-dessous présentées le sont dans leur état originel. Souvent, elles deviendront matériau pour des réalisations précieuses, mais il s’agit là de rendre hommage à la nature qui les a fécondées, et non à l’homme qui les a transformées, même si maintes fois il les a magnifiées. Les cabinets de curiosités qui les abritent à compter de la fin du Moyen Âge, et plus encore à la Renaissance et au XVIIe siècle, sortes de résumé du monde, l’ont exprimé les premiers en condensant l’exotique dans sa prodigieuse hétérogénéité. Place à la bizarrerie et à la beauté brute.

BEAUTÉS ANIMALES
Pacifique mammifère marin de l’Arctique, le narval possède une dent d’une taille exceptionnelle, un rostre à structure hélicoïdale pouvant atteindre 2,70 m. C’était elle, le fameux appendice de la mythique licorne du Moyen Âge. C’est dire si elle fut recherchée pour orner les plus précieux des Wunderkammern ! Déjà les auteurs des sagas nordiques l’évoquaient, comme avant eux les textes de Pline et Aristote. Charles Quint en raffolait et on raconte qu’il lui arrivait de payer ses dettes en dents de narval ! Même le grand Shakespeare l’évoque dans la scène III du troisième acte de La Tempête. Son prix en ventes est évidemment fonction de sa taille. Plusieurs spécimens sont présentés chaque année à Drouot. 7 000 € chez Artcurial le 12 juin 2017 pour l’un mesurant 188 cm, 16 600 pour un autre, de 224 cm. Une valeur constante, puisque le 14 mars 2014, une dent de taille absolument identique réalisait 16 800 € chez Baron - Ribeyre & Associés. On note 42 100 € le 26 octobre 2016, de nouveau chez Artcurial, mais cette fois pour 265 cm de longueur, soit quasiment la taille maximale jamais observée. Antoine Schnapper a consacré en 1993 un brillant essai au thème, Le Géant, la licorne et la tulipe. Les cabinets de curiosités en France au XVIIe siècle. Derrière ce titre énigmatique, se dévoile le sujet. Il raconte comment les vieilles légendes restent vivaces et font perdurer l’at- tachement à des objets aussi étranges que la corne de licorne, les dents de géants ou la rose de Jéricho, installés sur les étagères au même titre que les monnaies antiques en or, les miroirs de sorcière, les boules en cristal ou les ivoires sculptés. Issus du milieu aquatique, les tortues et les crocodiles jouent les invités vedettes, les seconds ayant droit à une place particulière. Ils étaient suspendus au plafond, tant par manque de place que pour un effet saisissant.

La plupart de ces merveilles naturelles appartenant à des espèces protégées en voie de disparition ne peuvent se vendre qu’accompagnées de certificats et d’autorisations intra-communautaires, selon les directives de la convention de Washington.
Une précision d’importance.


UNE DATE 1709
Filippo Buonanni publie à Rome son Musaeum Kircherianum, catalogue décrivant les merveilles de tout genre du cabinet de curiosités de son mentor, Athanasius Kircher (1602-1680). L’un des plus beaux d’Europe.


Adjugé 10 160 €
Oeuf d'Aépyornis Maximus
Madagascar, avant le XVIIème siècle.
Diam. 30 cm. Poids 1 731 grammes.
Cet oeuf subcomplet est une illustration des pontes de l'Aepyornis Maximus, l'autruche géante de la Grande Ile. L'espèce s'est éteinte sous la pression de la population et des marins qui l'ont chassée pour sa viande. L'animal était connu depuis les âges les plus reculés et la ceramique islamique en conserve ainsi des traces peintes où on le découvre sous la forme d'un éléphant à corps d'oiseau. On peut d'ailleurs penser qu'autant que sa taille, le bruit qu'il faisait en se deplaçant avait amené les populations à le nommer « Oiseau-Elephant ».
Drouot, 27 novembre 2013.
Tessier & Sarrou et Associés  OVV. M. Kunicki.