Né de l’imaginaire des hommes

Publié par la Gazette Drouot

La bataille d’enchères sera-t-elle aussi rude que celle que se livrent les dragons sur ce vase de la fin de l’époque Ming ? Rappelons qu’il est muni d’une marque apocryphe de Xuande, à six caractères en kaishu.

Lovés de part et d’autre du col, deux chilongs, comprenez des dragons sans cornes, participent à l’élégance de cet objet décoratif, leurs corps souples faisant écho aux formes arrondies de ce vase suantouping (« gousse d’ail »), et leur dorure au mercure à la patine brune du bronze. Synonyme de péché et symbole de Satan pour les civilisations occidentales, le dragon – shuowen – incarne dans la grammaire chinoise le chef des 369 espèces de reptiles à écailles. Rien d’étonnant donc à ce qu’il soit le motif le plus représenté, sur les broderies, les porcelaines, les poutres des temples, les gardes de sabres, les murs des palais… Et ce depuis quatre mille ans ! Les mythes ont été nombreux qui racontent comment le dragon servait de monture aux personnages importants à leur décès, ou de flambeau dans le sombre empire des morts. Long, l’archétype du dragon chinois compose une mythologie plurielle, et parfois contradictoire : une tête de chameau avec des cornes de cerf, des oreilles de bœuf, des yeux de lièvre surmontés de sourcils broussailleux, une longue barbe, des défenses, une épine dorsale surmontée d’ailerons pointus, une queue de serpent, quatre pattes de tigre se prolongeant par des griffes de faucon, et, pour couronner le tout, des appendices en forme de flammes jaillissant des épaules et des hanches.
La Chine se révélant un pays riche en fossiles de dinosaures, on comprend qu’il ait été aisé de mêler réalité et imaginaire…