Un portrait princier et inédit


Publié par la Gazette Drouot

Conservé dans la descendance de la famille Ramolino, un tableau de François-Joseph Kinson met en scène Camille Borghèse, époux de Pauline Bonaparte et beau-frère de Napoléon.

La boucle est bouclée… Ce grand portrait est l’un des très rares de la famille impériale encore en mains privées et constitue la pièce manquante d’un triptyque. Une représentation en pied de Pauline Bonaparte, par François-Joseph Kinson, est conservée à la villa Borghèse à Rome. Comme notre tableau, représentant son mari Camille Borghèse, il fut présenté au Salon de 1808. Deuxième élément de l’ensemble, un portrait du couple appartient au Museumslandschaft Hessen, à Kassel (Allemagne). Les deux époux sont représentés dans un intérieur à l’antique, elle assise dans la même pose et la même robe que sur le tableau de la galerie Borghèse, lui debout à ses côtés, dans un uniforme identique à celui porté sur le tableau présenté à Drouot prochainement. Détail qui a son importance, le tableau de Kassel n’est pas terminé, comme en témoigne l’absence de broderies sur les manches de sa veste, de motifs sur le canapé, d’éléments de décor aux murs. Il n’est pas daté, mais pourrait avoir été exécuté vers 1810. À l’époque, le couple connaît déjà des vicissitudes… Né à Rome dans une famille noble, illustre et riche, Borghèse (1775-1832) est parmi les premiers à s’enthousiasmer pour les idées libérales nées de la Révolution française, même si certains pensent qu’il s’agit surtout de sauver un patrimoine sévèrement entamé lors de l’entrée des Français en Italie mais encore considérable… En 1803, il se rend à Paris et rencontre le Premier consul Bonaparte, qui voit en lui le mari idéal pour sa sœur Pauline, jolie veuve du général Charles-Emmanuel Leclerc, décédé de la fièvre à Saint-Domingue. Immortalisée par le ciseau du sculpteur Antonio Canova, elle est l’une des plus belles femmes de son temps, qui trompe ses maris comme ses amants. Camille est nommé prince français en 1804, prince et duc de Guastalla deux ans plus tard. En 1808, l’Empereur le fait grand dignitaire et gouverneur général des départements du Piémont, de Gênes et de Parme. Après l’abdication de Napoléon en 1814, il remet les deux premiers aux alliés, rompt ses relations avec les Bonaparte et se sépare de son épouse. C’est dans ses bras toutefois que Pauline meurt en 1825, à Florence. François-Joseph Kinson représente Camille Borghèse sur fond de campagne italienne – romaine ? –, la main droite sur son ceinturon de velours brodé de feuilles de chêne, à boucle à l’Aigle impériale, la main gauche sur son sabre « à la Marengo », d’inspiration orientale. Ce beau morceau de peinture pourrait intéresser les musées français mais également étrangers. Alors que le Louvre conserve 344 pièces antiques appartenant à la famille Borghèse, acquises par Napoléon en 1807, la Frick Collection de New York annonçait le 5 décembre 2017 l’acquisition d’un portrait en pied de Camille, en tenue civile, par le Baron Gérard. Bien que le gouvernement italien ait révoqué la licence d’exportation, arguant du fait qu’il ignorait l’identité du modèle lors de la vente, le tableau n’a pas quitté l’institution américaine. Notre tableau est son pendant en militaire et constitue une belle représentation de celui dont Pauline disait qu’il avait « une tête d’Adonis, mais… vide ». Qui aime bien, châtie bien ?