Miró et Cuttoli : le renouveau de la tapisserie

Publié par la Gazette Drouot

Elle se présente presque comme un tableau avec son châssis et son cadre mais il s’agit d’une tenture tissée à la main à trois exemplaires.

La toile qui servit de modèle à cette tapisserie a été réalisée en 1934, au retour de Miró à Barcelone, et se trouve aujourd’hui au Musée national centre d’art Reina Sofía à Madrid. Le carton – de la main de l’artiste –, exécuté à la même époque, appartient à une collection particulière. Trois exemplaires seulement verront le jour dans les ateliers Delarbre à Aubusson. Tissés à la main, comme aux siècles passés, ils ont nécessité chacun six à huit mois de travail. Cette œuvre de longue haleine fascine Miró, et répond à l’exigence de Marie Cuttoli (1879-1973), qui veut respecter les nuances insolites de la palette des peintres. Après une enfance passée à Tulle, c’est au contact des brodeuses de la médina de Philippeville en Algérie, dont son mari Paul Cuttoli est maire, que Marie Bordes sent naître sa vocation. Elle commande dans un premier temps à des artistes, comme Natalia Gontcharova, des modèles de robes qu’elle fait exécuter sur place, puis ouvre un atelier à Sétif, où les jeunes brodeuses exécutent des cartons demandés à des peintres comme Lurçat, Picasso, Matisse, Léger, Dufy, Braque, Rouault, Le Corbusier et Miró. Tissées, les œuvres sont exposées dans sa boutique, Myrbor (pour Myriam Bordes son nom de jeune fille), rue Vignon, dans le quartier de la Madeleine, devenue la galerie Jeanne Bucher-Myrbor. Marie Cuttoli réalisera quatre tapisseries de Joan Miró avec Delarbre : Personnages avec étoiles (1933), Personnages rythmiques (1934), Hirondelle amour (1933-1934) et Escargot, femme, fleur et étoile (1934). Un exemplaire de notre tapisserie a appartenu au peintre lui-même, qui l’avait accroché dans sa maison familiale à Palma de Majorque, le deuxième n’est pas localisé (réserve d’un musée ou collection privée ?), le troisième est le nôtre. Acheté 52 000 F (28 510 € en valeur réactualisée) le 27 avril 1978 à la vente de la collection Louis Carré au palais d’Orsay orchestrée par Ader-Picard-Tajan, il est conservé dans la même collection européenne. Un atout supplémentaire…