Une vie tournée vers la mer

Publié par la Gazette Drouot

Sans faire fortune, ils vivent bien. Un peu comme si le travail et les vacances ne faisaient qu’un. Quelques années plus tard, leurs routes se séparent, mais ils restent proches, chacun gardant sa spécialité. Dans sa boutique du 14e arrondissement, Bruno Petitcollot poursuit les expertises d’objets de marine et de sciences, enrichit son site la rose-des-vents.com – celui-ci fonctionne toujours – et ne manque pas une
exposition, au musée de la Marine, place du Trocadéro bien sûr, ou à celui du Long Cours Cap-Hornier, à Saint-Malo, pour lequel il a une tendresse particulière. En ventes publiques, à Paris ou en province, il ne se contente pas d’assister le commissaire-priseur, mais parle des objets avec l’aisance d’un conteur. Ses autres plaisirs ? « Un petit verre de blanc, un cigare et regarder la mer se coucher sur le port de Marseille », raconte son cadet, mais aussi jeter quelques casiers depuis son pointu au large de l’île des Embiers, dans le Var, naviguer avec Bernard Rubinstein, figure de la presse nautique, décédé le 13 juin à l’âge de 74 ans. Bruno Petitcollot retrouvait là les souvenirs d’enfance de vacances à Carnac, à Bréhat ou à Arcachon.

S’il ne peignait pas, notre expert avait un joli coup de crayon. Est-ce là l’origine de sa passion pour Marin-Marie ? Les deux hommes ont en commun des études de droit, des familles qui n’ont aucun lien avec le milieu nautique, mais des quartiers d’été pris au bord de la mer, en Bretagne pour la famille Petitcollot, à Chausey pour les Durand Couppel de Saint-Front. C’est dans cette île, à quelques miles de Granville, que le jeune Marin est devenu au fil des ans un vrai connaisseur du monde de la mer.

À 5 ans, il arpente le pont du Holiday, en 1925, il connaît sa deuxième grande expérience nautique en incorporant le Pourquoi-Pas ? du commandant Charcot. Huit ans plus tard il réalise son exploit le plus célèbre : la traversée de l’Atlantique en vingt-huit jours, à bord du cotre Winibelle, prélude à son autre périple en solitaire vers l’Amérique, en canot à moteur cette fois. Mobilisé sur le Strabsourg, il participe à la bataille de Mers-el-Kébir, reprend du service sur le Fantasque et se trouve à Dakar lors de la tentative de débarquement anglo-gaulliste en septembre 1940. C’est en tant qu’artiste toutefois que Marin-Marie est le plus connu du grand public. Dessinateur avant d’être peintre, il représente la mer et les bateaux avec la plus grande précision possible, mais son œil est aussi observateur que sa main est adroite. Sous son pinceau, les vagues sont en mouvement et le spectateur est passager. Gonflement des voiles, allures des bateaux, marbrures des mers, tout concorde mais le sentiment de force et de liberté est là. On imagine combien cette œuvre parle à Bruno Petitcollot. Dès le début des années 2000, il s’attache, en lien avec sa famille, à promouvoir son œuvre. Le 29 octobre 2007, à Drouot (Deburaux & Associés), une grande scène de pêche côtière, Cancale, la caravane, est disputée jusqu’à 261 268 €. Le record tient toujours...

Le 23 avril, une dizaine d’aquarelles – et autant de pièces encadrées – quitteront la collection Petitcollot. Au menu, les derniers grands seigneurs de la marine à voile, pour lesquels il a une tendresse particulière, l’arrivée du paquebot Ile-de-France dans le port de New York, la masse métallique d’un bateau de guerre lors du bombardement de Dakar, des trois-mâts sur des mers formées en camaïeu de blanc, de gris et de bleu. Alentour, des souvenirs de plage, des objets scientifiques, des dents de cachalot gravées, des globes terrestres et célestes.
C’est l’heure d’embarquer...