Beauté convulsive

Publié par la Gazette Drouot

Le rarissime exemplaire en plâtre de L’Ange de la ville mis en vente à huis clos chez Tessier & Sarrou et associés ajoute à la compréhension de la genèse de l’œuvre. Le cavalier semble encore maîtriser la situation, il tient les rênes, ses bras sont souples, presque implorants, comme si l’événement annoncé était attendu et désiré.

Deux autres exemplaires en bois et en bronze, tous deux polychromes, et celui de la fondation Guggenheim, de 1948, sont plus tendus : les bras sont en croix, les rênes abandonnées et la silhouette exacerbée. « Beauté convulsive » promise à un grand succès. Peggy Guggenheim raconte : « C’était un cheval et son cavalier qui écartait les bras en signe d’extase. Pour préciser son état d’âme, Marini avait ajouté un phallus en pleine érection. Mais lorsqu’il le fit couler en bronze, le phallus fut mis à part pour qu’on puisse l’ôter au besoin. Marini installa la sculpture dans la cour, sur le Grand Canal, face à la préfecture, et la baptisa L’Ange de la citadelle […]. Quand, lors de certaines fêtes religieuses, les nonnes venaient recevoir la bénédiction du patriarche, et passaient en bateau devant chez moi, je détachais le phallus du cavalier et le cachais dans un tiroir. » Le bruit courut dans Venise que Peggy avait le choix entre plusieurs membres de tailles différentes. Aujourd’hui, pour éviter aux visiteurs des tentations, le phallus semble avoir été fixé définitivement. Sa présence à l’entrée de la demeure ne renouvelle-t-elle pas la tradition de porte-bonheur des tintinnabulums pompéiens ?