Les cloches, objets de luxe depuis l’âge du bronze

Publié par la Gazette Drouot

Réalisé sous le règne de Kangxi, ce huang zhong, ou cloche brillante, était destiné à un orchestre pour célébrer victoires militaires et événements rituels.
 



Chine, époque Kangxi (1662-1722)
Cloche rituelle bianzhong en bronze doré, à décor en relief de deux dragons à cinq griffes
au-dessus de vagues écumantes à la poursuite de la perle enflammée,
alternant avec deux cartouches renfermant les inscriptions « Huang Zhong »
et « Kangxi Bing Shen Nian Zhi », correspondant à la date de 1716
H. 20,9 cm. 
Estimation : 200 000 / 300 000 €


Un événement eut lieu en 1759 dans la province du Jiangxi : un paysan découvrit onze cloches en bronze, qu’il transmit au gouverneur de la province. Ce dernier en fit présent à Qianlong, qui les plaça dans un pavillon, rebaptisé « Yungu Tang » (« Vieux Pavillon des jeux de rimes »), situé dans le parc Xiyuan, non loin du vieux palais d’Été. Connues et décrites comme « les cloches Zhou », elles prennent une place importante dans le traité de musicologie chinoise publié par l’empereur, ouvrage débuté par son grand-père. L’orchestre doit comporter douze cloches : qu’à cela ne tienne, le souverain ordonne la fonte d’une douzième, et écrit des poèmes à leur gloire. Qianlong, à l’instar de Kangxi, poursuit là une tradition apparue dès les Royaumes combattants, au Ve siècle avant notre ère, l’art campanaire remontant au Néolithique (environ 6000-1900 av. J.-C.). La musique exprime la joie, « joie » et « musique » partageant la même graphie chinoise. Les rites codifiant l’harmonie doivent relier l’homme et son environnement. Ainsi les orchestres de cloches sortent-ils pour célébrer le nouvel an, accompagner l’empereur lors de la cérémonie d’ouverture du premier sillon et, entre autres, les banquets et les victoires militaires. Objet d’apparat luxueux, un carillon de soixante-cinq pièces tenait compagnie au défunt seigneur Yi de Zeng dans sa sépulture, avec vingt et une femmes et des objets d’art précieux. Leur usage était réglementé depuis la dynastie des Zhou (XIe-IIIe siècle av. J.-C.) : les cloches étaient suspendues et frappées à l’aide d’un maillet en deux endroits selon le son désiré. En effet, la gamme chinoise traditionnelle se compose de douze demi-tons, développés à partir de quatre notes et de douze tons standard fixes dont le ton de base est huang zhong, ou «cloche brillante». Pour les instruments réservés à l’usage impérial, un décor de dragon est de mise, symbolisant la continuité de cette civilisation répertoire iconographique utilisé sous les Ming pour des cloches similaires à celle proposée en décembre prochain. Plusieurs exemples Ming ou Qing apparaissent de temps à autre en ventes publiques, tant en Europe qu’aux États-Unis, et des carillons plus ou moins complets sont conservés dans des collections publiques chinoises et américaines. Les empereurs offraient parfois une cloche à des temples ou à des officiels pour rythmer les rites et les banquets. Témoin de la longue histoire de la Chine, comme l’indiquent le dragon et les nombreux spécimens similaires retrouvés dans les tombes, cette note brillante ravira les amateurs.