Des chiffres et des lettres

Publié par la Gazette Drouot

Malgré quelques traces des affres du temps, ces mémoires sur la maison de la comtesse de Provence ont traversé les vicissitudes de l’histoire. Ils proviennent de Jean-René de Semallé (1772-1863). 
Entré à l’automne 1786 comme page au service de Louis XVI, Jean-René de Semallé est nommé fondé de pouvoir du comte d’Artois en 1814, avant de jouer un rôle important durant la Restauration. Transmis à la collection Auguste Affre de Saint-Rome, ces documents font partie des archives Cromot du Bourg, surintendant du comte de Provence. Ils se composent d’une trentaine de lots (estimés de 300 à 30 000 € environ), formant un témoignage unique de la vie et des fastes d’un prince à la fin de l’Ancien Régime, le comte de Provence. Ceux-ci sont apostillés et/ou signés du futur Louis XVIII ou pour certains de son épouse, la comtesse de Provence. Outre les aspects financiers – comptes et emprunts pour des sommes considérables –, ces mémoires abordent une foule de sujets, de l’augmentation des filatures en France aux chanoines de l’abbaye de Sainte-Geneviève, en passant par les faisanderies de Brunoy ou le château de Rocquencourt. D’autres concernent les écuries de Madame, le marché du linge pour son service, la fourniture de bouteilles de vin, les frais pour toutes sortes de victuailles et de plats, l’acquisition de la bibliothèque Lieutaud – pour la somme considérable de 100 000 livres ! –, l’exploitation des mines royales d’Allemont, dans l’Isère, ou encore le palais du Luxembourg. On remar- quera aussi dix-huit pages (estimées 1 200 / 1 500 €) ayant trait... à la culture de la rhubarbe. Celle-ci commence en 1777 dans le parc de Grosbois, aux environs de Paris, par Pierre Coste d’Arnobat (1732-1808), homme d’affaires bayonnais avisé et journaliste à ses heures, qui obtint le privilège exclusif pour trente années de transplanter, cultiver et préparer sur toute l’étendue du royaume de France cette toute nouvelle plante, venue de Tartarie chinoise. En 1792, le ministre de l’Intérieur lui octroie même la conversion de ce privilège en brevet d’invention. Longtemps cantonnée à la pharmacopée, celle dont le nom signifie littéralement « racine de barbare » ne fut en effet cultivée et consommée comme plante potagère en France qu’à partir du XVIIIe siècle.