Au Tonkin et à Pékin

Publié par la Gazette Drouot

L’histoire de Robert, comte de Semallé, secrétaire d’ambassade à Pékin de 1880 à 1884, était en partie racontée page 56 de la Gazette no 44 du 14 décembre. Il convient de rappeler ici son rôle diplomatique, notamment dans le renforcement de la présence française au Tonkin, mais également son appétence pour les arts locaux, qu’il a toujours collectionnés. Rapportés en France, ils passèrent à sa fille et à son gendre, puis à leur descendance, avant de subir avec un succès inattendu le feu des enchères. Il est juste de parler de feu, puisque c’est une tête de dragon indochinoise en bronze qui crachait ses flammes à hauteur de 3 M€ tout de même. Un résultat rare pour un objet de ce pays et peut-être un record mondial, mais cela est difficile à vérifier et donc à affirmer. Le dragon est le symbole du Vietnam traditionnel : là-bas, il est partout présent, souvent peint en rouge et or, les deux couleurs nationales. D’ailleurs, lorsqu’en 2014 le musée Guimet a pour la première fois dédié une exposition à l’art royal vietnamien, il l’a nommée «L’envol du dragon». L’animal fabuleux, à la fois terrifiant et bénéfique, aussi à l’aise dans les nuées célestes que dans les fonds aquatiques, fascine. Dès l’indépendance retrouvée – au Xe siècle –, le pays va décliner l’image du dragon sous ses formes les plus diverses, éléments de décor d’architecture, chefs-d’œuvre de céramique, objets somptuaires de bronze. Les artistes vont faire preuve de puissance créative pour inventer un art national, nourri de culture chinoise mais profondément original. Les Nguyen – la dernière dynastie à régner, entre 1802 et 1945 – vont souvent l’utiliser, notamment à Hué, la capitale historique.
Les autres souvenirs se rapportaient à la Chine et connaissaient eux-mêmes le succès. Une série de quatre-vingt-onze tirages albuminés (détail de l’un reproduit page de droite) pris par le comte de Sémallé à Pékin et dans la région alentour, aux couleurs sépia et au charme suranné, retenait 137 400 €, une paire de sellettes du XVIIIe siècle en bois de zitan, 437 400 €, sept lés de papier peint de la fin du même siècle mettant en scène des oiseaux (voir Gazette n° 44 du 14 décembre, page 57), 43 750 €, un ensemble de huit broderies polychromes de la fin du XIXe aux décors naturalistes, 85 000 €, et encore une paire de vases hu en bronze doré et émaux cloisonnés, présentant sur leurs faces des masques de taotie, 60 000 €.
Une belle moisson !