Sérénité sensuelle, l’art de Bartholomé

Publié par la Gazette

Paul-Albert Bartholomé (1848-1928), Nu féminin endormi, sculpture en marbre blanc, 36 x 165 x 72 cm.

La chevelure libérée cascade sur les plis froissés de la couche où la belle endormie repose. Pour seule parure de sa nudité, un double rang de perles enserre son cou, apparaissant dans le frisottis des mèches de cheveux de la nuque. Ses lèvres sont légèrement entrouvertes, le visage aux yeux clos reposant sur son bras gauche replié, le droit cachant à peine un sein. Le corps sculpté dans le marbre attire la main, cependant ce nu est étonnamment chaste. Le sculpteur a su respecter son mystère en harmonie avec son âme et son sentiment. Paul-Albert Bartholomé, veuf inconsolable de la belle Prospérie de Fleury, dite Périe, abandonne ses pinceaux pour le modelage de la glaise ; il en fera surgir les formes de son épouse bien-aimée dont il réalise le tombeau pour le cimetière de Bouillant, près de Crépy-en-Valois. Il s’y représente penché vers le buste de Périe pour un dernier baiser. Tous deux avaient formé un des couples en vue de Paris, recevant 8, rue Bayard, musiciens, écrivains et artistes tels Edgar Degas et Jacques-Émile Blanche. Dans la serre (1881), visible au musée d’Orsay, tableau exposé aux côtés de la robe portée dans l’œuvre, et Femme de l’artiste lisant (1883), conservé au Metropolitan Museum de New York, évoquent l’opulent intérieur. En 1886, Périe, enceinte, décède, mettant fin à cette vie de rêve. Bartholomé, peu de temps après avoir annoncé son désir de se consacrer à la sculpture, réalise son tombeau.
Dans Albert Bartholomé. Le sculpteur et la mort (Les Cahiers du MuMA, Somogy éditions d’art, 2012), Thérèse Burollet et Virginie Delcourt citent un commentateur de l’époque qui prête au veuf cette pensée : « Ma morte, je lui ai donné des larmes et mon talent, mais combien de disparus sont privés de tout souvenir ! […] Est-ce que mon deuil ne s’ennoblira pas à se débarrasser de son égoïsme et à sympathiser avec toute l’humaine souffrance ? Dressons un monument à tous les morts ! » Ce projet l’occupe pendant plus de dix ans ; situé à l’entrée du cimetière du Père-Lachaise, il sera inauguré en 1899. De multiples figures qui, comme la Porte de l’Enfer de son confrère et rival Rodin, se transforment en œuvres indépendantes. Signalons entre autres Fillette pleurant, bronze conservé au musée d’Orsay. Les monuments et œuvres pour les sépultures se succèdent ainsi que les bustes et les statues de personnalités. Remarié en 1901 avec son modèle Florence, son style devient plus classique, d’une solennité sereine. La magie de l’émotion reste attachée à Périe, dont cette sculpture est probablement un souvenir de marbre.

Mercredi 8 novembre, salle 1 - Drouot-Richelieu.
Tessier & Sarrou et Associés OVV. M. Commenges.