QUAND SADE ENTRE EN SCÈNE

Publié par la Gazette Drouot

SADE HORS DE SADE
LA VENTE D’ARCHIVES DE LA FAMILLE DU MARQUIS, PRÉVUE LE 15 JUIN À DROUOT, JETTE DES FEUX INATTENDUS SUR LA VIE MOUVEMENTÉE DE L’ÉCRIVAIN, MAIS AUSSI SUR SON THÉÂTRE, TROP LONGTEMPS DEMEURÉ MÉCONNU.

Mis en vente par les descendants du marquis de Sade, les cent lots proviennent notamment de l’héritage ayant échappé à la dispersion et à l’autodafé de ses écrits, ordonné à sa mort. Ils mettent en lumière une personnalité différente de celle connue du grand public, un Sade sans le sadisme pourrait-on dire. Comprenant le texte de six pièces, le catalogue rappelle sa passion pour le théâtre, qui ne l’a jamais quitté, de sa découverte au collège Louis-le-Grand jusqu’à ses dernières années, passées à l’asile de Charenton.
Ponctué de reconnaissances de dettes, ce catalogue de lettres, de notes, de procurations, d’actes officiels et de listes de courses peut se lire comme une vie en pointillé. On voit défiler son père, le comte de Sade, et son oncle abbé, qui initièrent, semble-t-il, le jeune homme au libertinage. On entrevoit la silhouette d’une sœur aînée, morte à deux ans. Y figure une liste de « demoiselles françaises », quatre-vingt-onze en tout, de 15 à 45 ans, destinée au mariage du jeune Donatien. Mais les écarts du fils et du père ne facilitent pas la mission. Le lot 13 (estimation 3 000 / 4 000 €) est un extrait du contrat de mariage conclu finalement en 1763 avec Renée-Pélagie Cordier de Montreuil – dont le nom n’apparaît pas sur la première liste.


AU CHÂTEAU DE LA COSTE
La dot de 300 000 livres apportée par la jeune fille sera bien entamée par un mari dispendieux, qui s’attache notamment à la restauration du château de La Coste, en Provence, où il fait construire un théâtre et installe une troupe. La fortune de l’épouse sera engloutie par les dettes de jeux et les procès du marquis. Dès 1771, son beau-père doit parapher une reconnaissance de dette de 30 000 livres. S’ensuit un petit mot rédigé à la hâte par Sade, au moment où il doit s’enfuir en Italie (5 000 / 6 000 €), recommandant de dissimuler un écrit avant l’arrivée de la police. Sade est accusé d’empoisonnement, pour avoir distribué des pilules aphrodisiaques à des filles de Marseille. L’enfermement hante alors les arti- cles du catalogue. Six lettres de prison sont adressées à son épouse, l’écrivain disant tout le mal qu’il pense de sa belle-mère, qui a contribué à le faire enfermer, et reprochant à la fille de s’être laissée « gâter le cœur ». Sa femme, pourtant, n’a jamais cessé de l’aider par tous les moyens. Les billets témoignent des conditions d’emprisonnement d’un noble, qui fait venir dans son logement couturier, tapissier, encadreur. Il se plaint de la pom- made expédiée par son épouse et de ses pastilles, qu’il a dû renvoyer.
Une demande de bouteilles de vin est rayée. De la tour du fort de Vincennes, il réclame « douze des romans nouveaux », le Décaméron et 18 volumes d’une histoire de l’Angleterre. La bibliothèque du prisonnier compte six cents ouvrages. Il passe son temps à lire et écrire, des textes érotiques qui vont faire sa célébrité, mais d’abord des contes et nouvelles pleins d’humour, ainsi que des pièces de théâtre, qu’il fait recopier par des secrétaires.