Une tsuba sculpturale


Publié par Le Marché de l'Art

Cette plaque de fer de forme ronde (maru gata) s'orne d'un singe réalisé en alliage d'argent et cuivre (shibuishi), qui tente d'attraper avec une corde un poulpe en alliage de cuivre rougeoyant (Suaka).

On peut voir au verso la même scène, mais d'un point de vue sous-marin : la patte au singe plongée dans la mer serre la corde autour de laquelle le poulpe a déjà enroulé un tentacule. Cet objet, qui n'est pas issu d'une fonte, témoigne de l'immense savoir-faire des artisans japonais en matière de fer. Avec un vrai talent pour ciseler, inciser, graver à la manière de joaillers ce matériau complexe à dompter... Il s'agit d'une tsuba. 
Sur un katana, sabre que seule l'élite guerrière, les fameux samourais, pouvait porter, la tsuba est la garde, destinée à empêcher la main de glisser sur la lame durant le combat. Elle représente aussi pour son porteur un moyen de montrer son rang « la tsuba fait son apparition à l'époque de Heian, vers le VIlle ou IXe siècle. Initialement elle est très simple, ronde, fine et ajourée pour être plus légère. Au fil du temps, elle se diversifie dans ses formes comme dans son registre décoratif, souvent inspiré de la nature », explique Alice Josseaume, directrice du cabinet Portier spécialisé en arts asiatiques, qui a expertisé les quelque deux cents tsuba de cette vente de Tessier & Sarrou. Toutes appartenaient à Patrick Liebermann, amateur alsacien connu pour sa passion frénétique pour ces pièces. « Ces objets de prestige sont collectionnés depuis longtemps par les amateurs japonais. Ils sont aujourd'hui très appréciés des jeunes collectionneurs européens, dont l'imaginaire est imprégné de l'univers des mangas. Ils sont heureux de trouver un secteur de collection accessible ». ajoute l'expert. Les estimations des tsuba de cette vente s'échelonnent pour la plupart entre 1 000 € et 3 000 €.

À VOIR
VENTE PAR TESSIER & SARROU (01 40 13 07 79 tessier-sarrou.com), 
Hôtel Drouot, 9, rue Drouot. 75009 Paris, le 20 septembre.


L'avis de Jean-Christophe Charbonnier, galeriste spécialisé en armures japonaises
J'ai toujours beaucoup aimé les tsuba, même si je n'ai pas développé dans ce domaine le même niveau d'expertise que pour les armures. Il m'est arrivé d'en vendre à des collectionneurs, dont Patrick Liebermann. Ce demier avait compris que l'état était un critère fondamental ; les objets de sa collection bénéficient donc d'un très bon état de conservation. Il n'avait pas vraiment d'appétence pour l'univers de l'art guerrier. Il a orienté ses choix vers des tsuba très ornementales, qui pour la plupart n'ont jamais été montées (celle-ci a été montée, N.D.L.R.), dans un style éloigné du goût classique des grands daimyo (seigneurs de la guerre).