Un millésime abstrait


Publié par la Gazette Drouot

De la princesse de Lamballe à Serge Poliakoff, l’écart était vaste et les amateurs avaient de quoi perdre la tête.

Une peinture de Serge Poliakoff inédite sur le marché et acquise directement auprès de l’artiste, en 1956, par l’amateur dans la descendance duquel elle est demeurée... voilà qui donne envie ! De fait, cette Composition abstraite 56-84, réalisée dans son atelier parisien, a doublé son estimation pour être finalement emportée à 652 800 €. Vue en couverture de la Gazette n° 12, l’œuvre y développait son patchwork de formes en une symphonie de couleurs, où dominaient différentes nuances de bleus. Sous un aspect spontané et libre, le geste de Poliakoff est en fait logique et discipliné. Le peintre construit savamment ses toiles à partir d’un réseau de lignes, peignant par couches successives – trois ou quatre – qui se chevauchent. La date d’exécution de cette œuvre correspond à une période charnière qui voit le succès récompenser son travail et l’étranger s’ouvrir à lui : sa première grande exposition a lieu à Liège en 1953. Exposée à Pittsburgh en 1958, puis au musée national d’Art moderne en 1970, notre composition est également reproduite dans différents ouvrages et des revues spécialisées.

À des années-lumière de l’art abstrait et des recherches picturales du XXe siècle, le Portrait de Marie-Thérèse de Savoie Carignan (192 x 128 cm, voir Gazette n° 12, page 55, plus connue comme princesse de Lamballe, montrait son joli minois sous le pinceau de l’Austro-Hongrois Karl Anton Hickel (1745-1798) à 67 840 €. Cet artiste – qui a été peintre officiel de Joseph II –, s’installe à Paris où il bénéficie de la protection de la sœur de l’empereur, Marie-Antoinette. Il a d’ailleurs exécuté un portrait de la souveraine qui a aujourd’hui disparu et n’est connu que par la gravure. Attablée à son billet doux, avec sa robe crissant de satin et son grand nœud bleu, la jeune princesse est bien charmante. Et l’on se plaît à penser que la reine aurait peut-être gagné à suivre ses conseils, plutôt que de la délaisser au profit de la charmante mais insouciante Madame de Polignac qui, même si elle eut l’intelligence de fuir pour conserver sa tête, mourut en exil un an plus tard !