Dürer humaniste et Biegas démoniaque
Publié par la Gazette Drouot
Le maître de l’estampe et le sculpteur de l’étrange étaient réunis pour méditer sur l’humanité.
Vaste programme !
Le Coup de cœur de la Gazette n° 23 (page 22) insistait sur le grand intérêt de cette gravure au burin d’Albrecht Dürer, épreuve du troisième et dernier état de l’un de ses sujets les plus célèbres, Adam et Ève. En effet, l’image se distingue dans son œuvre imprimée comme l’une des plus complexes, illustrant la virtuosité du graveur de Nuremberg. Celui-ci installe le couple biblique dans une forêt germanique sauvage, afin que sa lecture soit compréhensible pour le public de la Renaissance. La main d’Ève est déjà sur le fruit défendu, celle d’Adam accroche une branche de l’arbre de vie, le serpent symbolise bien sûr la trahison, le perroquet, la sagesse. On voit encore un chat associé à la colère, un cerf l’étant à la mélancolie et un bœuf représentant le flegme. C’est un véritable bestiaire qui peuple cet Éden bientôt disparu : des animaux dotés des tempéraments humains. L’équilibre est au cœur de cette composition et, pourtant, on est face à un point de rupture. Dès qu’ Ève aura accepté l’offrande du serpent, l’harmonie disparaîtra. Dürer est en pleine maîtrise de son art, et le résultat de 153 600 € est largement mérité.
La sculpture de Boleslas Biegas (1877-1954) fait aussi appel à des clés de lecture, parmi lesquelles une bonne dose d’ésotérisme. L’artiste va chercher du côté des légendes des Balkans ou des mythes des forêts de Bohême pour imaginer des êtres dont la part d’humanité semble envolée. C’est à l’aide de nombreux symboles et allégories qu’il traite des sujets comme ses Vampires de guerre, qui rappellent les atrocités de la Première Guerre mondiale. On peut d’ailleurs le voir comme l’un des derniers des symbolistes et son Démon de la sphère terrestre (h. 88 cm), daté 1924, en est une parfaite illustration. Il était vendu pour 80 640 €, accompagné de ses droits de tirage pour huit exemplaires.