Julien Gracq honoré


Publié par la Gazette Drouot

Un ensemble d’ouvrages et de documents manuscrits dévoilait l’auteur du Rivage des Syrtes dans son intimité familiale et amoureuse.

Deux exemplaires de l’édition originale – celle de 1951 – de l’ouvrage phare de Julien Gracq, Le Rivage des Syrtes, emportaient les plus hauts suffrages. 39 680 € récompensaient celui sur papier de Rives orné d’un touchant envoi de l’auteur à son aînée de neuf ans, Suzanne, tendrement surnommée Suze : « À ma sœur, en espérant qu’elle adoptera ce pupille qui fut difficile à élever ». C’était un peu moins que les 44 800 € de celui-ci, sur vergé de Rives et adressé à un autre être chéri : « Pour ma mère, ce livre écrit entre plusieurs rhumes pernicieux et tenaces, pour lui tenir compagnie au coin du feu ». Les deux exemplaires étaient signés « Louis », témoignage filial de celui qui, né Louis Poirier un jour de juillet 1910, avait pris son nom de plume afin de « séparer nettement (s)on activité de professeur de son activité d’écrivain ». Avec ce titre, Gracq, déjà adulé par la critique, reçut le prix Goncourt mais, cohérent avec lui-même et son refus des honneurs, le déclina. Il fut le premier écrivain à agir ainsi, ce qui, on peut l’imaginer, déclencha une importante polémique…
Les bibliothèques ne pouvaient être indifférentes à la dispersion de ce fonds (voir l'article Julien Gracq : l’écrivain et les surréalistes de la Gazette n° 10, page 24). Elles ont d’ailleurs été plusieurs à agir, et à maintes reprises par la voie de la préemption. La BnF emportait ainsi, pour 19 200 €, une importante et touchante correspondance de cinquante-neuf lettres de son amoureuse, la surréaliste et muse d’artistes Nora Mitrani, la Sorbonne retenant à respectivement 1 280 et 1 920 € deux de ses cahiers d’écolier, la bibliothèque d’Angers un manuscrit (6 400) et celle de Nantes, un autre cahier du temps de sa scolarité au lycée Clémenceau de la ville (1 536 €). Précisons que s’ajoutait au butin de celle-ci, provenant du fonds de l’éditeur Henri Parisot (1908-1979) proposé en deuxième partie d’après-midi, un ensemble de seize lettres autographes du poète Benjamin Péret (1899-1959), écrites lors de son exil au Mexique (7 680 €).