UN MEUBLE SOUS INFLUENCES CROISÉES


Publié par la Gazette Drouot

Flamboyante figure de la « cafe society » britannique du début du XXe siècle, Millicent Sutherland-Leveson-Gower, duchesse de Sutherland (1867-1955), était aussi romancière. Mais elle se révéla surtout une femme fort engagée durant toute la guerre de 1914-1918, en soignant les blessés sur le front. Dans les années 1930, elle s’installa à Angers, dans l’hôtel Bessonneau ; c’est alors qu’elle offrit à son médecin deux  exceptionnels cabinets indo-portugais. Passé en vente chez Enchères Pays de Loire OVV le mardi 29 novembre, l’un deux trouvait un admirateur à 32 330 €. Ce meuble précieux, appelé aussi contador, se compose de deux parties, et repose sur quatre pieds en forme de termes engainés dans une volute enrichie d’une chute de fruits. Son corps supérieur est muni de poignées latérales et ouvre à dix tiroirs (en simulant douze) sur quatre rangs. Quant à la partie inférieure, elle ouvre à trois tiroirs, en simulant quatre. La pièce, réalisée en essences exotiques telles que teck, ébène et palissandre, date du XVIIe siècle ; elle est caractéristique de cette production propre à la région de Goa, sur la côte ouest de l’Inde, un vaste territoire appartenant alors à la couronne portugaise. Symbiose oblige, chaque culture laisse son empreinte formelle : les quatre termes relèvent du style européen, alors que les deux corps reflètent les savantes techniques des artistes indiens. Ainsi ce décor de cercles entrelacés, centrés d’étoiles à huit branches dans des encadrements ornés de clous simulés, en placage de bois et d’os, ou encore ces incroyables entrées de serrure et poignées avec platines en laiton finement ajouré...
Rappelons qu’un « contador » indo-portugais similaire a été vendu 21 080 € par Tessier & Sarrou OVV le 26 juin 2015 à Drouot Richelieu ; et que l’on peut en admirer d’autres beaux exemplaires dans les collections du museo Abade de Baçal à Branganca, du museo nacional de Arte Antiguo à Lisbonne, et bien entendu, au Victoria and Albert Museum à Londres.

 

LOT n°181

Adjugé 21 080 €

Cabinet indo-portugais dit Contador, en trois parties, ouvrant en façade par dix tiroirs sur quatre rangs. Il est entièrement marqueté de bois exotiques et d'ivoire formant un décor de cercles entrelacés centrés d'étoiles. Entrées de serrures, cornières et astragales en laiton ajouré. Poignées de tirages et prises latérales en laiton torsadé. Les montants sont garnis de clous en laiton à tête hémisphérique. Repose sur des pieds représentant des sirènes aux yeux incrustés d'ivoire et supportées par des cubes.
Probablement Goa. XVII / XVIIIe siècle.
H. 118 cm.  L. 59,5 cm.  P. 39,5 cm.

 
 Fiche détaillée 

Entre le XVIe et le XVIIIe siècles, le développement économique et l'enrichissement de certains pays ou certaines cités d'Europe étaient étroitement liés à leur politique d'expansion basée sur le gouvernement de provinces ou de comptoirs, le plus souvent situés dans des contrées lointaines et exotiques qui étaient utilisés pour l'envoi de produits et d'objets de tous type vers l'Europe. A cette époque, la province de Goa, située sur la côte sud-ouest de l'Inde, formait avec trois autres provinces les colonies portugaises d'Inde. Les interactions entre la culture locale et la culture occidentale étaient très nombreuses et certains meubles et objets d'art témoignent de nos jours de ces différentes influences. Tel est le cas du cabinet que nous présentons, stylistiquement datable de la fin du XVIIe siècle ou du début du siècle suivant, qui est caractéristique des meilleures réalisations de ce type. Sa composition générale, son décor marqueté de cercles étoilés, ainsi que son piétement formé de figures anthropomorphes est typique de l'art indo-portugais.