LE MYSTÈRE PICASSO LEVÉ PAR CLOUZOT


Publié par la Gazette Drouot

La rencontre inédite entre deux monstres sacrés a donné naissance, lors de l’été 1955, à un film dans lequel Henri-Georges Clouzot (1907-1977) démontre tout le mécanisme créateur de Pablo Picasso (1881-1973). Soixante-dix négatifs originaux, témoins de ce moment, viennent de s’échanger pour 16 875 €. Les deux hommes se connaissent bien. Ils sont amis de longue date, voisins sur la Côte d’Azur, et projettent depuis un moment de faire un film ensemble. Au printemps 1955, Picasso reçoit d’un graveur américain des feutres et des encres, qui ont la propriété étonnante de traverser le papier instantanément et sans bavure. Il appelle Clouzot pour le lui raconter. Eurêka, celui-ci a aussitôt l’idée originale de placer la caméra, non derrière Picasso, mais derrière le chevalet, permettant ainsi de capter la pensée créatrice du peintre, en voyant naître l’œuvre par transparence. De juillet à septembre, l’artiste et le cinéaste vont se retrouver tous les jours à Nice, dans les studios de la Victorine. Petit détail amusant sup- plémentaire, c’est Claude Renoir, le petit-fils du peintre, qui dirige les prises de vues ! À l’origine, ce devait être un court métrage de dix minutes, mais au bout des trois mois de tournage, la matière est tellement riche que Clouzot décide de réaliser un long métrage. Lors de sa sortie, le 18 mai 1956, un critique écrira que Le Mystère Picasso est « le plus beau film de suspense jamais réalisé ». Celui-ci recevra le prix du jury du Festival de Cannes de la même année.


Adjugé 16 875 €
LE MYSTERE PICASSO
Henri-Georges CLOUZOT - 1956
70 négatifs originaux
24 x 36 cm

Le projet d'une collaboration est évoqué pour la première fois en 1952, alors que les deux hommes sont désormais voisins, Picasso vivant à Vallauris et Clouzot, auréolé du succès du « Salaire de la peur », à Saint-Paul. « C'est une bonne idée, il faudra en reparler » sont les mots du peintre quand Clouzot expose l'idée de faire « un film ensemble ».
Au printemps 1955, Picasso appelle Clouzot pour lui parler de stylos feutres fabriqués aux États-Unis et qu'il vient de recevoir. Ces stylos ont la particularité d'avoir une encre capable de transpercer tout un bloc de pages, et a fortiori une toile. Le déclic s'opère, le procédé est trouvé : filmer la toile à l'envers et ainsi « assister à l'oeuvre de création ».
Le tournage se déroule pendant les mois de juillet, août et septembre 1955. Clouzot y démontre tout le mécanisme créateur d'un artiste, il a conduit Picasso jusqu'à un degré extrême de tension et de fatigue.