UNE PETITE FLAMME POUR LES LUMIÈRES

Publié par la Gazette Drouot

LES MANUSCRITS LITTÉRAIRES ET PHILOSOPHIQUES DU XVIIIe RACONTENT L’HISTOIRE D’UN SIÈCLE D’ÉMULATION INTELLECTUELLE. RÉDIGÉS SOUVENT DANS LA CLANDESTINITÉ, ILS SONT PASSÉS À LA LUMIÈRE DES COLLECTIONS.
La vente Sade (voir Gazette n° 22 page 13 et ce numéro, page 101) offre aussi l’opportunité de se pencher sur un domaine un peu secret et en marge de la bibliophilie, le marché des manuscrits littéraires du XVIIIe siècle, qu’on imagine réservé à des collectionneurs initiés et fins lettrés. Le manuscrit est un peu au livre ce que le dessin est au tableau, son premier jet, une sorte d’esquisse dans laquelle la pensée de l’auteur jaillit spontanément. À l’origine, en effet, étaient la plume et le papier. Tel fut bien le cas jusqu’à l’invention de l’imprimerie. L’apparition et le développement de la technique de Gutenberg bouleversent ainsi le statut du manuscrit. Désormais, c’est le livre qui sera recherché dans son édition originale, et bien des textes seront détruits...

AUTHENTIQUES COPIES
La coutume d’établir plusieurs copies, auto- graphes ou non, va pourtant perdurer, parfois même se répandre. Pour des raisons de coût, tout simplement pour en faire l’hommage à des protecteurs ou à des amis, pour une diffusion clandestine ou encore pour des pratiques sociales... La BnF conserve ainsi un manuscrit du Mariage de Figaro de Beaumarchais, copie portant des corrections et des ajouts autographes, qui servait à des lectures de salon au cours des trois années précédant la première représentation à la Comédie-Française, en avril 1784. En matière de lettres, il faut prêter grande attention aux mots employés par les experts dans les fiches des- criptives. En effet, les manuscrits autographes des grands auteurs du XVIIIe siècle sont rarissimes – et sur le marché et en mains privées : celui de la troisième partie de La Nouvelle Héloïse de Jean-Jacques Rousseau quittait la bibliothèque de Pierre Leroy, le 27 juin 2007 chez Sotheby’s, pour 384 000 €. En revanche, il est fréquent de rencontrer des manuscrits d’époque, mais qui sont des copies. Selon leur intérêt et leur état, ces feuillets réalisent des prix allant de quelques centaines à plusieurs milliers d’euros.
C’était le cas dans la récente vente Sade. Les pièces de théâtre du marquis, écrites lors de ses emprisonnements successifs et ici révélées, étaient toutes de la main de son fidèle serviteur, le dénommé La Jeunesse. Le marquis y avait simplement déposé ses corrections et ajouts. Elles ont été acquises entre 11 700 et 39 000 €.