Le Jugendstil strasbourgeois

Publié par la Gazette Drouot

Art nouveau ou art déco ? Bien malin qui pourrait l’affirmer tant cette coupe en argent et celle en bronze doré et coquille d’Henri et René Treser empruntent à ces périodes.

Dans les années 1870, Strasbourg ne compte, en matière d’enseignement des arts, qu’une école du soir. Nécessité faisant souvent loi, l’École supérieure des Arts décoratifs suit de quelques années l’ouverture du musée du même nom en 1887. Anton Seder, connu en Allemagne pour sa participation au mouvement art nouveau, est nommé directeur. C’est à lui que l’on doit le dessin de l’ornementation de la façade avec ses céramiques et ses vitraux encore visibles de nos jours. Comme ses cousines européennes, l’école entend concilier enseignement technique et éducation artistique, pour donner naissance à un art total accessible à tous, selon les préceptes de William Morris. Le lieu, qui accueille les élèves à partir de 14 ans, propose un enseignement de quatre ans, et en quatre spécialités : la céramique, la menuiserie et l’ébénisterie, la serrurerie et la ferronnerie et enfin la ciselure et l’orfèvrerie, où officie Philippe Oberlé à partir de 1904. Se démarquant de son prédécesseur Robert Rudolph, auteur de dessins de coupes et de trophées dans le style de la Renaissance, Oberlé donne une tonalité plus moderne aux travaux des élèves, entre influences naturalistes françaises de Gaillard et Fouquet, et tendances symbolistes allemandes. Comme l’inscription le précise, notre coupe est un cadeau de la cité alsacienne à Alexander Wacker, homme d’affaires prospère, en remerciement de ses conseils avisés. Tournant le dos à l’exubérance des motifs floraux de l’art nouveau, l’objet se veut l’illustration d’un «style domestique plus simple», selon les mots de Paul Caster dans la Revue alsacienne, en 1913. Un style moins artificiel mais non moins raffiné que poursuivent les frères Henri et René Treser, élèves de Philippe Oberlé, auxquels on doit des pièces d’orfèvrerie civile ainsi que pour des églises catholiques, des temples protestants et des synagogues. Difficile de ne pas apprécier, non plus, une délicate coupe rappelant les nautiles de la Renaissance, dont la coquille est enchâssée dans une monture en bronze doré ciselé gravé, faisant écho aux veines de la nacre (5 000 / 6 000 €).