Elsa SCHIAPARELLI


André Breton dans le Premier Manifeste surréaliste (1924) déclare : 
« Le merveilleux est toujours beau, tout ce qui est merveilleux est beau, en fait seul le merveilleux est beau ». 
Ces mots aurait pu être dis par Breton pour qualifier l’oeuvre d’Elsa Schiaparelli.


Elsa SCHIAPARELLI (1890-1973) 

Italienne, né à Rome où elle commence des études de philosophie, Elsa Schiaparelli part vivre cinq ans aux Etats-Unis avant de rentrer en Europe avec sa fille, où elle s’installe à Londres puis à Paris. 

En 1929, elle ouvre son premier salon de couture où elle présente quelques modèles à ses meilleurs clientes. En 1935, elle déménage dans de nouveaux locaux qu’elle fait décorer par Jean-Michel Franck et pour lequel Diego Giacometti créera tout spécialement de nombreux accessoires.

L’influence d’Elsa Schiaparelli sur la mode des années 1930 est telle que beaucoup ont surnommé cette période (1935-1939) « les années Schiaparelli ». Plus qu’un couturier, « Schiap » aura été durant ces années l’interprète des grands courants artistiques qui auront baigné son oeuvre, en particulier le surréalisme. 

Bettina Ballard, ancienne rédactrice en chef de Vogue dira même : «  Une cliente de Schiaparelli n’avait pas à se soucier de savoir si elle était belle ou non - elle était un type. Elle a été remarquée partout où elle est allée, protégée par une armure d’intelligence de conversation amusante. Ses vêtements appartenaient à Schiaparelli plus qu’à elle - c’était comme emprunter le chic de quelqu’un d’autre et, avec lui, leur assurance » 1.

Une des caractéristiques de l’oeuvre de ce génie de la mode sera de se fixer toujours un thème pour chacune de ses collections.

La collection « Cosmique » 2 de Schiaparelli est marquante de part pour ses broderies somptueuses et ses ornements éblouissants. Comme toutes les collections de Schiaparelli, le thème était un mélange de références historiques, d’événements et d’idées contemporains. Présentée en août 1938, la collection abordait l’astrologie, les planètes, les constellations, le soleil, le roi Louis XIV et son successeur Louis XV. Elle visitait d’ailleurs fréquemment Versailles et la Villa Trianon et son parc pour rendre visite à son amie, la célèbre décoratrice d’intérieur Lady Mendl. 

L’intérêt de Schiaparelli pour le néoclassicisme et le XVIIIe siècle est évident dans cette veste avec des miroirs brodés. Les dix-sept arcades massives de la Galerie des Glaces, chacune remplie de miroirs, ont dû inspirer les cartouches baroques de ce devant de veste, au motif inspiré des faces à mains utilisées d’ailleurs depuis l’Antiquité.

Schiaparelli portait en outre une grande attention dans le choix de ses boutons. Les quatre boutons de notre veste, moulés dans un composite en forme de tête de femme gréco-romaine, font écho aux références classiques de la collection. Il est probable que les boutons ont été modelés sur une image de la déesse Arethusa montrée sur une pièce de monnaie grecque antique frappée à Syracuse sur l’île de Sicile vers 410–400 avant notre ère. Arethusa et sa connexion avec Syracuse avaient une signification personnelle pour Schiaparelli. Son père Celestino était un grand collectionneur de pièces et un expert de la Sicile musulmane tandis que son oncle Giovanni, l’astronome, découvrit la double apparition d’Arethusa Lacus sur Mars en 1888. Arethusa était aussi le titre d’un livre de poèmes d’amour passionnés qu’elle écrivit à l’âge de vingt-et-un ans.
Plus encore que ce rappel à Versailles, le miroir renvoi aussi au « merveilleux » de Breton et à la magie de la haute couture où tout est possible. Le surréaliste Pierre Mabille a décrit le miroir comme « l’instrument magique le plus banal et le plus extraordinaire de tous » qui « évoque des problèmes fondamentaux à l’identité de soi, les personnages de la réalité »3
Mais plus encore, une provocation surréaliste s’introduit également dans la surface fracturée des miroirs, « brisés ». Les miroirs de Schiaparelli sont ainsi à la fois un héritage historique de l’art et une sensibilité contemporaine répondant à un monde au bord de la guerre.

Jean Cocteau « un laboratoire du diable ». Les femmes qui s’y rendent tombent dans un piège et en ressortent masquées, déguisées, déformées ou réformées, selon les caprices de Schiaparelli ». 

La Maison Schiaparelli a fermé ses portes en 1953 et renaît en 2016 sous le nom de Diego della Valle. Pour la collection haute couture automne/hiver 2018-2019, le couturier Bertrand Guyon a rendu hommage au soixante-dixième anniversaire de la collection hiver 1938-1939 en réinventant le smoking de la Galerie des Glaces pour le XXIe siècle. Le velours noir d’origine a été remplacé un riche bleu foncé et la broderie d’or par de l’argent. La robe longue au sol avec son dos plongeant s’est transformée en jupe mi-mollet fendue sur le haut de la cuisse. Les poignées du miroir ne s’enroulaient plus autour du cou, mais caressaient de manière séduisante les hanches.
 

Collection « Zodiaque »
Belle et rare veste de diner « Galerie des glaces »
Veste en velours de soie brodée par Lesage de lame d’or encadrant deux mosaïques de vingts-sept petits miroirs biseautés, maintenus par des étoiles de verre. Fermée sur le devant par quatre boutons à motifs de têtes de style néoclassique. Fronces tournantes aux épaules
Porte un bolduc « 362 »
Automne Hiver 1938-1939



1 Bettina Ballard, In My Fashion, Secker & Warburg, Londres, 1960, p. 71

2 La collection Cosmique est souvent appelée collection Zodiac ou Astrology. Cosmique, qui est le nom que Schiaparelli a utilisé pour cela à Paris, décrit mieux la collection.

3 Pierre Mabille, « Miroirs », Minotaure, no. 11, Edition d’Art Albert Skira, Paris, 1938, p. 11. La citation originale est « Les miroirs dans le mystère de leurs surfaces polies semblables à des eaux calmes solides, évoquent des problèmes fondamentaux à l’identité du moi, les caractères de la réalité ».