Sense of Space


Dans « Sense of Space » les personnages représentés nus ou habillés (dont les deux frères) sont enfermés dans les rayonnages d’une bibliothèque et chacun dans sa propre cellule, donne libre cours à ses émotions personnelles non partagées par les autres. Chaque individualité est canalisée dans un espace précis, restreint et suffocant, marqué par d’infranchissables barrières le séparant des autres. Un sentiment d’anxiété et d’impuissance rend l’individu solitaire, incapable de communiquer et de collaborer avec ses voisins.

Un ordre extérieur anéantit et sépare peut-être pour circonvenir la force de la socialisation. Chacun vit sa propre histoire personnelle, ce que les Gao tentent de dépasser au travers d’étreintes collectives utopiques, sujet de la série des « Hugs ».

La première de ces expériences eut lieu le 10 septembre 2000 quand les deux frères invitèrent 150 volontaires, étrangers les uns aux autres, à prendre part à cet événement durant lequel chacun rencontra au hasard un partenaire pour une étroite accolade de vingt minutes.

Depuis lors, à diverses occasions, ces étreintes de masses se répétèrent dans des lieux publics, photographiées sous différents aspects. Le contact physique direct est dérangeant dans toute culture, mais particulièrement dans la culture orientale, - comme l’est d’ailleurs la représentation du nu-, peu habituée à une mise en présence physique aussi explicite et agressive. Avec une connotation romantique et une symbolique pacifiste, cet acte devient un moment de méditation et de renaissance individuelle.

Le théâtre le plus signifiant de leurs photographies récentes (série des « Forever Unfinished Buildings ») fut un bâtiment abandonné dans leur cité natale de Jinhan. L’immeuble d’une surface de près de 10 000 m2, fut commencé il y a dix ans, puis sa construction fut arrêtée plus tard faute de crédits ; une structure fantôme illustrant une situation courante en Chine où tant d’immeubles sont construits mais dont beaucoup restent inachevés.

Grâce à des manipulations sur ordinateur, des labyrinthes d’escaliers et de paliers s’entrelacent dans un style évoquant les architectures fantastiques. Apparaissant dans ces espaces, comme des hallucinations, figurent des personnages pris dans leur activité quotidienne. Ces éclairs constitués d’apparitions humaines fantomatiques semblent être les métaphores d’épisodes confus, parsèment les chemins de notre mémoire.

Notre cerveau enregistre images, nouvelles et informations et les laisse en suspens sans localisation précise. Notre inconscient les mélange et les brouille avec d’autres données et ils deviennent les fragments d’une immense mémoire morte, faite d’ordre et de chaos, de mémoire et d’amnésie.