En attendant les barbares

Publié par la Gazette Drouot

Doit-on voir dans ce ballet un symbole des contradictions humaines, une lutte entre la pensée et l’instinct, et ne considérer dans ce « miracle » que l’impuissance de l’être humain, ou faut-il y deviner un reflet de l’histoire ?
« Mes statues équestres expriment le tourment causé par les événements de ce siècle. L’inquiétude de mon cheval augmente à chaque nouvelle œuvre ; le cavalier, lui, est toujours plus las. Il a perdu son autorité sur la bête et les catastrophes auxquelles il succombe ressemblent à celles qui ont détruit Sodome et Pompei. » Marini, qui a subi les violences de la guerre, la destruction de son atelier par un bombardement l’ayant poussé à s’exiler dans le Tessin, n’était guère plus à l’aise dans l’Europe de la Guerre froide. Il se voyait comme un Romain « attendant les barbares » : « Mon désir, c’est de rendre évident l’ultime moment de la dissolution d’un mythe, du mythe de l’individu héroïque et victorieux, de “l’homme de bravoure” des humanistes. » Mais cette fin d’un mythe ne serait-elle pas le signe d’une métamorphose, l’avènement d’une nouvelle ère ? Le « miracle » ne serait-il pas plutôt une conversion, et le cavalier marinien un saint Paul magistralement “renversé” sur le chemin de Damas par un Caravage ?
L’artiste évoque le mal du siècle  : « Le ciel m’attire. Je ne suis plus bien sur la Terre. Je voudrais foncer dans le cosmos ou faire un trou dans la croûte terrestre. Je ne parviens plus à être paisible parmi les hommes. »