UNE COLLECTION D’OPALINES

par Philippe Commenges, expert agréé, membre de la CEDEA



Durant le confinement, les experts collaborant avec l'étude Tessier & Sarrou partagent leurs connaissances et leur passion.
Cette semaine, Philippe Commenges, expert Mobilier & Objets d'Art, vous présente une collection d'opalines.


 


Collection d'opaline à notre vente du Jeudi 4 Juin 2020
(lot 248 à 268)



Bel ensemble d’opalines

Cette collection qui nous a été confiée à la vente nous invite à étudier ce type d’objet, leur histoire et leur technique. Les différentes pièces que nous proposons sont représentatives de leur variété de création et de production. 

Le dictionnaire Larousse désigne l’opaline comme un verre ou un cristal « rendu soit opaque par adjonction d’oxyde d’étain, soit légèrement opalescent par la présence de cendre d’os ou de corne ». 

La dénomination opaline apparait en fait assez tardivement, au début du XXe siècle. 
A l’origine, on disait « cristal d’opale » en référence à la teinte de la pierre précieuse dont elle se rapprochait. 

Ce sont les vénitiens qui, maitrisant les arts verriers, mettent au point au XVIe siècle les premières « opalines » de couleur. 
En France, il faut attendre la seconde moitié du XVIIIe siècle pour voir produire des verres opalins (porcelaine de verre, blanc de lait ou lattimo) mais la palette de couleurs est limitée. Le blanc de lait était la teinte la plus recherchée car elle imitait la porcelaine de Chine. 

Au début du XIXe siècle, les progrès techniques dans l’industrie du cristal conduisent à modifier la composition de matériau. L’opaline blanche des débuts (1800-1810) – ou « cristal d’opale » – côtoie bientôt un nouveau procédé, mêlant silice, potasse, chaux et acide phosphorique (voire quelquefois nitrate de potassium). 

Cette autre opaline blanche, dite « pâte de riz » rencontre un vif succès à partir des années 1840. Il s’agit d’un verre semi-opaque, qui se décline en plusieurs tons audacieux par l’adjonction d’oxydes métalliques : dans les tons rose (emploi de sels d’or), jaune (oxyde jaune d’uranium), bleu (oxyde de cuivre ou de cobalt) ou encore vert (oxydes de cuivre et d’uranium jaune ou oxydes de cuivre et de fer). Cette technique est principalement destinée à la fabrication d’objets de luxe dont ceux de très grande qualité reçoivent une monture de métal ou de bronze doré. 

Au niveau de formes, le néoclassicisme régnant au début du XIXe siècle conduit à adopter des lignes simples et équilibrées, inspirées des arts grec, romain, étrusque et égyptien pour la réalisation de coupes, baguiers, flacons, vases… 
La sobriété, voire l’absence de tout décor met en valeur la beauté de la coloration. 

Vers 1820, une innovation due à Jean-Baptiste Desvignes permet de décorer le cristal d’opale à basse température : Il colle des feuilles d‘or et d’argent sur le cristal à l’aide d’un vernis. Une température de 50 degrés suffit pour l’adhérence.

Des formes plus fantaisistes (coffrets, bonbonnières, … ) font leur apparition dans le second tiers du XIXe siècle, à partir du règne de Louis-Philippe (1830-1848). Les améliorations techniques tant au niveau du moulage que d’un nouveau procédé de taille du verre, permettent de diversifier les formes, qui tendent d’abord à s’arrondir, c’est à ce moment qu’apparaissent les volumes dits « en balustre ». 

La diffusion de céramiques et verres en provenance de Moyen-Orient (flacons ottomans à décor mauresque) et de l’Extrême-Orient (vases « cornet » chinois et japonais), ou de la verrerie bohémienne (pièces moulées imitant des fleurs ou des fruits exotiques, l’ananas par exemple) influence la production française et voit naître une diversité de formes et de décors inspirés de ces modèles. 

La mode de l’opaline continue sous la Deuxième République (1848-1851), et perdure sans faiblir sous le Second Empire (1851-1870). Elle donne naissance à de nouvelles formes, élégantes et gracieuses, ayant tendance à s’étirer en hauteur, parfois de taille spectaculaire. 

En France, à la fin du XVIIIe et au début du XIXe siècle, ce sont les manufactures du Creusot, Baccarat et Saint-Louis qui sont les principaux centres de production. De nombreuses cristalleries créées autour de Paris se développent au même moment : Bercy, Choisy-le-Roi, Belleville, Clichy. 
Cependant, les opalines ne portant pratiquement jamais de marque de fabrique, il reste très délicat d’en déterminer la provenance exacte.
 




Paire de flacons 
à panse aplatie en opaline bleue et or autour desquels s’enroule un serpent
Milieu du XIXe siècle
H. 16 cm