Une soucoupe à pied du service "attributs et groseilles" de Louis XV

par Aline Josserand-Conan, expert près la cour d’Appel de Paris, expert CNES



Durant le confinement, les experts collaborant avec l'étude Tessier & Sarrou partagent leurs connaissances et leur passion.
Cette semaine, Aline Josserand-Conan, expert en Céramiques, vous présente cette soucoupe à pied de la Manufacture Royale de Sèvres.


SÈVRES, soucoupe à pied 
Porcelaine tendre provenant du service de Louis XV à attributs et groseilles
Marque : LL entrelacés, lettre - date P pour 1768
XVIIIe siècle
Diam. 22,6 cm



L’histoire de l'or blanc ou de la manufacture des porcelaine de Vincennes et de Sèvres
 
L’aventure de la manufacture de Vincennes débute en 1740 dans une des huit tours du château royal. Deux frères, Gilles et Robert Dubois transfuges de la manufacture de Chantilly, accompagnés de Claude Humbert Gérin, tentent de fabriquer de la porcelaine tendre dans l’enceinte du château.

L’intendant des finances Jean-Louis Orry de Fulvy finance et protège la petite manufacture car il souhaite voir fabriquer en France des porcelaines de même qualité que celles qui se font à Meissen. 
Malheureusement, l’aventure se termine rapidement lorsque l’intendant des finances demande le remboursement de ses avances aux frères Dubois alors endettés. Ces derniers sont chassés et Fulvy se charge de créer une société d’actionnaires en 1745 assortie d’un privilège qui interdit à quiconque de produire de la porcelaine “façon Saxe“ sur l’étendue du royaume et ce pour une durée de vingt ans. 
François Gravant qui possède les secrets de fabrication reprend les expériences qui permettent le développement de la célèbre manufacture de Vincennes ; Charles Adam en est l’administrateur. 
La manufacture bénéficie de la plus haute protection possible, celle du pouvoir c’est-à-dire du Roi Louis XV et de Madame de Pompadour. 

De véritables artistes sont choisis avec le plus grand soin, parmi eux, l’orfèvre du Roi Jean-Claude Duplessis (1699- 1774) qui reçoit la mission de créer des formes pour Vincennes. 
En 1753, Eloi Brichard remplace Charles Adam à la tête de la société dont les actionnaires sont au nombre de quinze. 
Les locaux de Vincennes sont mal adaptés à l’extension de la production et trop éloignés de Versailles alors Madame de Pompadour propose à la société Eloi Brichard un terrain qu’elle possède à Sèvres à côté de sa propriété de Bellevue. Les travaux commencent en 1753 et le déménagement a lieu en 1756. En 1759, le roi rachète la totalité des actions, il devient l’unique propriétaire et la manufacture royale prend un nouvel essor. 
À cette époque, on compte 250 ouvriers travaillant dans les différents ateliers. 
La manufacture affirme sa suprématie face aux autres manufactures européennes, notamment avec la production de grands services de table offerts par Louis XV aux souverains étrangers.

Dès lors, Sèvres exprime toute la quintessence du goût français du XVIIIème siècle qui rayonne notamment dans la création porcelainière.





 


Notre “Soucoupe à pied“ en porcelaine tendre de Sèvres provient du service “à attributs et groseilles“ acheté par Louis XV pour Versailles, à partir de décembre 1763. 
Le décor polychrome représente au centre une guirlande de fleurs et feuillage formant médaillon, le bord est orné de trois trophées intercalés de trois branches de groseille en relief rehaussées d’or, la bordure soulignée de palmes croisées en bleu en léger relief et filet dentelé or, (usure de l’or en bordure). 
Marque : LL entrelacés, lettre - date P pour 1768, marque de peintre partiellement effacée.  
Diam. 22,6 cm 

Provenance : B. Dragesco – D. Cramoisan 

Le service est complété en 1769,1771,1772,1773,1774,1785 et 1790, il est mentionné dans un inventaire effectué à Versailles en janvier 1782. 
Différentes pièces de ce service sont conservées dans les collections publiques françaises : 
- Au château de Versailles et de Trianon : une jatte lizonnée, quatre tasses à glaces, un compotier-coquille, deux soucoupes à pied et six assiettes.
- Au musée du Louvre possède une assiette non datée dans la collection Thiers, le musée des Arts décoratifs de Paris un compotier rond et le musée de Sèvres six assiettes dont une datée 1763 et une datée 1771.
- Au Museum of fine Arts, Boston est conservée une marronnière couverte et son présentoir (inv. 1981-740) 
- Au Musée de l’Ermitage St Petersburg, une assiette
- Au Victoria & Albert Museum, une soucoupe à pied.

Ventes publiques :
- Une assiette non datée collection Zieseniss (Christie’s, Paris, 5-6 décembre 2001, lot 153),
- Deux assiettes à potage datées de 1763 (Sotheby’s, Paris 22 octobre 2008, lot 95)
- Deux assiettes non datées (Christie’s, New York, 24 octobre 2012, lot 159) 
- Une assiette sans marque (Piasa, Paris, 13 décembre 2013, lot 124)
- Deux plateaux Bouret Collection Judith Howard (Woolley & Wallis, 4 février 2020, lot 80 et 81) 

Bibliographie : 
- Dragesco, B.  De Versailles à Paris. Le Destin des Collections Royales. Exposition Mairie du Vème arrondissement, Paris,1989, p.263, n° 130.
- David Peters, Sèvres Plates and Services of the 18th Century, 2005, Vol. II, p. 345-348, n° 63-2) et Versailles et les Tables Royales en Europe, 1993, p. 115-116