5 000 ŒUVRES EN CINQUANTE ANS

Publié par la Gazette Drouot

UTRILLO A RÉALISÉ QU’IL POUVAIT TOUT AUSSI BIEN PEINDRE
D’APRÈS DES PHOTOGRAPHIES QUE SUR LE MOTIF.
 


Venu à la peinture vers 1903, sans avoir reçu aucune formation artistique, Utrillo connaît le travail de Toulouse-Lautrec et de Renoir, dont sa mère fut le modèle. C’est sur les conseils de celle-ci et ceux des médecins, qui considéraient l’art comme un moyen de tenir l’alcool à distance et de contenir son déséquilibre mental, que le jeune homme débute. « Continuant à suivre les impulsions de mon tempérament pictural, je travaille comme il me plaît et suivant mes inspirations dictées par mon caractère essentiellement sympathique », écrit-il dans son autobiographie inédite. Il aime le pittoresque et le désuet que lui offrent souvent les cartes postales. Utrillo a réalisé qu’il pouvait tout aussi bien peindre d’après des photographies en noir et blanc qu’en se rendant sur le motif. Il choisit ses lieux, les réinterprète, crée ce que personne d’autre ne voit. Il voyagera peu mais ne cessera presque jamais de peindre malgré les vicissitudes de son existence, lui qui connaîtra de nombreuses périodes de soin et d’enfermement, contraintes ou volontaires, à Villejuif, à Picpus ou dans le XVIe arrondissement. Deux vues d’asile, La Clinique du docteur Blanche à Auteuil (30 000 / 40 000 €) et le Jardin à Picpus (20 000 / 30 000 €), et une de L’Église de Villejuif sont ainsi livrées à Pierre Levasseur. Remise également, le 10 janvier 1920, Avenue de Versailles et la tour Eiffel (voir photo - ci-dessus) a été peinte en 1919. C’est la première fois qu’il représente la Dame de fer depuis la rive droite, et c’est l’une des trois œuvres sur ce sujet. Difficile d’imaginer qu’il y a moins d’un siècle les gens pouvaient se promener, à pied, au milieu de ce qui fut le début de la route nationale 10, reliant Paris à l’Espagne en passant par Bordeaux... Si certains tableaux semblent préfigurer ceux de Bernard Buffet avec leurs lignes rigides, leurs volumes cernés de noir, leurs branches se tendant tels des bras vers le ciel et leur architecture anguleuse, comme cette vue de La Chartreuse de Villeneuve-lès-Avignon (- ci-dessous -), on pense à Alfred Sisley et à Camille Pissarro devant Effets de neige à Puysen Côte-d’Or (- reproduit à la fin -). Avec le fondu de ses formes, ses couleurs qui contras- tent sur le blanc de la neige, ses silhouettes hâtives suivies de leurs pas, ses arbres dénudés, ce ciel menaçant, l’artiste opte pour un tableau d’atmosphère.
« Mon fils peint des chefs-d’œuvre à partir de cartes postales quand d’autres pensant faire des chefs-d’œuvre ne font que des cartes postales», répondait Suzanne Valadon aux critiques, qui ne manquaient pas à l’époque. Verdict dans quelques jours.

 


UTRILLO EN 5 DATES

1891
Huit ans après sa naissance, il est reconnu par Miguel Utrillo, journaliste et peintre catalan

1912
S’installe avec sa mère et André Utter dans l’atelier du 12, rue Cortot.
« Le trio infernal » y vivra quatorze ans

1919
Signe un contrat d’exclusivité avec Pierre Levasseur

1926
Déménage avec Suzanne Valadon dans une maison avenue Junot

1935
Sur les conseils maternels, il épouse Lucie Valore (1878-1965).