Sade, acte inédit

Publié par la Gazette Drouot

Billet manuscrit adressé par Donatien Alphonse François de Sade (1740-1814) à son épouse, depuis la prison de la Bastille.
Adjugé : 10 400 €

Derrière un homme célèbre se cache souvent une femme, muse ou épouse vertueuse et discrète. Sans contestation possible, ma marquise de Sade appartient à la seconde catégorie, et l'on peut aisement imaginer combien il était difficile d'être unie au divin marquis ! 
Cette vente dédiée à son mari (objet d’un événement dans la Gazette n° 22 pages 13 à 17) est donc aussi – et enfin – l’occasion de lui rendre un modeste hommage par l’évocation de sa figure si longtemps dévouée, et au travers de billets écrits depuis la prison de la Bastille. Dans celui reproduit, envoyé à 10 400 €, l’écrivain l’implore de lui faire livrer l’ensemble des trente-trois volumes de l’Histoire de France de l’abbé Velly. Rédigé dans une écriture serrée et lisible, il atteste, avec ses derniers mots inscrits dans un coin à l’envers, du manque de papier dont Sade souffrait et se plaignait. Dans un autre, adjugé 10 010 €, il lui ordonne de venir chercher ses affaires, afin de les porter à son tailleur et qu’il puisse disposer de nouveaux vêtements à la saison suivante. Dans une dernière lettre, l’une des plus longues connues à ce jour (21 mai 1781), le prisonnier déverse sa rancœur envers sa belle-mère et diverses personnalités, aigreur ressentie à 15 600 €. Ses écrits intimes éclai- rent un peu plus encore sur cette personnalité hors cadre. Sade les écrivait assis dans un fauteuil à haut dossier et piétement os de mouton. Ce meuble l’a suivi dans ses différentes « résidences » de Charenton, la Bastille et Vincennes... un petit morceau d’histoire donc, emporté à 32 500 €.
Les précieux manuscrits ensuite dispersés illustrent le Sade d’un autre genre littéraire, celui du théâtre, et l’on apprend qu’il rédigea dix-sept pièces pour l’art dramatique. L’Union des arts ou les Ruses de l’amour, manuscrit complet de 1810 de cette pièce avec passages musicaux, ne fut jamais publié et était découvert ici à 39 000 €. L’Égarement de l’infortune, l’un de ses premiers drames écrits en prose et en trois actes depuis Vincennes en 1781, recueillait 26 000 €, ex aequo avec Le Boudoir ou le Mari crédule, imaginé dans le même donjon. Ces manuscrits ne sont pas autographes – la tâche ayant été confiée, pour deux d’entre eux, à son fidèle serviteur La Jeunesse – mais comportent de nombreux rajouts, ratures et corrections de la main du marquis.
Le carnet d’Italie de Jean-Baptiste Tierce contenant trente-deux paysages légendés par Sade se feuilletait à 33 800 €, et le Portrait de Jean Baptiste François de Sade, comte de Sade (1707-1767) d’une école française vers 1750, figurant le père de l’auteur, était déposé à 39 000 €.